Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
8 décembre 2011 4 08 /12 /décembre /2011 16:35

HOMÉLIE SUR CES PAROLES DE L'ÉVANGILE :

Je détruirai mes greniers et j’en construirai de plus grands ;

ET CONTRE L'AVARICE.

Luc. 12. 18.


Cette homélie est une des plus belles de saint Basile par la vivacité des mouvements, le pathétique des sentiments, la beauté des pensées, la richesse des expressions. Il n'a pas suivi de plan marqué, suivant son usage. Il attaque avec force , dans la personne du riche de l'Evangile , la folie et le crime de l'homme avare et cupide, à qui ses richesses ne causent que des soucis et des inquiétudes; qui n'use de ses biens que pour satisfaire sa sensualité; qui, au lieu de rendre grâces à un Dieu bienfaisant, l'irrite par de honteuses débauches; qui, malgré l'incertitude d'une vie aussi courte , se prépare de longues jouissances; qui , loin de soulager les misérables , trafique de leurs misères; qui prétend jouir seul de ce qui lui a été donné pour le partager avec les autres; que ni le plaisir de soulager les malheureux , ni lei récompenses promises aux Oeuvres de miséricorde , ni les peines réservées à la dureté du riche impitoyable , ne peuvent rendre sensible aux infortunes d'autrui ; dont toute la conduite enfin tend à lui attirer, dans les jours de la justice , les malédictions du souverain Juge. On voit dans ce discours, le plus touchant tableau d'un père infortuné, qui, pressé par le besoin, se détermine à vendre un de ses fils.

 

IL est parmi nous deux sortes d'épreuves. Nous sommes attaqués dans ce monde, ou par l’affliction, qui, comme l'or dans le creuset, éprouve notre aie et fait connaître sa force en exerçant sa patience, ou par la prospérité même, qui est un autre genre d'épreuve. Car il est également difficile, et de ne pas nous laisser abattre dans les peines de la vie, et de ne pas nous laisser emporter par l'orgueil dans l'excès du bonheur. Job nous fournit un exemple de la première sorte d'épreuve. Cet athlète généreux et invincible, qui, lorsque le démon venait fondre sur lui comme un torrent impétueux, a soutenu tous ses efforts avec un coeur ferme et inébranlable, s'est montré d'autant plus grand, d'autant plus élevé au-dessus des disgrâces, que son ennemi lui livrait des combats plus rudes et plus cruels. Le riche de l'évangile qu'on vient de lire, nous offre un exemple, entre mille autres , de l'épreuve dans les heureux succès ; ce riche qui possédait déjà de grandes richesses, et qui en espérait de nouvelles , parce qu'un Dieu bon n'avait point puni d'abord son ingratitude , mais qu'il ajoutait tous les jours à ses biens, pour essayer si en rassasiant son coeur , il pourrait le tourner vers la sensibilité et la bienfaisance.

Les terres d’un homme riche, dit l'Evangile, lui ayant rapporté des fruits en abondance, il se disait à lui-même : Que ferai-je ? Je détruirai mes greniers et j'en construirai de plus grands (Luc. 12. 16 et suiv.). Pourquoi donc gratifier de cette abondance de fruits, un homme qui n'en devait faire aucun bon usage ? C’est pour qu'on vît se manifester avec plus d'éclat l'immense bonté de Dieu, qui s'étend jusque sur de pareils hommes ; qui fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes, et lever son soleil sur les méchants et sur les bons (Matth. 5. 45.). Mais ce Dieu bon et patient amasse de plus grands supplices contre les criminels qu'il diffère de punir. Il a envoyé des pluies sur une terre cultivée par des mains avares, il a ordonné au soleil d'échauffer les semences et de les multiplier au centuple. Un terrain fertile , une température favorable , des semences abondantes , des animaux robustes , compagnons des travaux , et les autres avantages qui font prospérer la culture : voilà les bienfaits dont Dieu a comblé le riche de l'Evangile. Et que voyons-nous dans ce riche ? Des mains fermées à toute largesse, un coeur dur, insensible aux besoins et aux souffrances d'autrui. Voilà comme il a reconnu les dons multipliés de son bienfaiteur. Il ne s'est pas rappelé que les autres hommes sont ses semblables, il n'a pas songé à faire part aux indigents de son superflu, il n'a tenu aucun compte de ces préceptes: Ne cessez pas de faire du bien au pauvre ; que la foi et une charité bienfaisante ne vous abandonnent jamais ; rompez votre pain avec celui qui a faim (Prov. 3. 3 et 27. — ls. 58. 7. ). Les leçons, les cris de tous les prophètes et de tous les docteurs ont été pour lui inutiles. Ses greniers trop étroits et trop faibles, rompaient sous la multitude des fruits dont ils étaient chargés; son âme avide n'était pas encore satisfaite. Ajoutant sans cesse à ce qu'il avoir déjà, grossissant toujours ses biens par les productions de chaque année, il tomba enfin dans un embarras et des perplexités dont il avait peine à sortir. Son avarice ne lui permettait pas d'abandonner les anciennes récoltes ; il ne pouvait renfermer les nouvelles, vu leur abondance ; il était donc embarrassé, il ne savait à quoi se résoudre.

Qui n'aurait pas eu pitié de ce riche, malheureux par sa propre richesse, misérable par les biens qu'il possédait, plus misérable encore par ceux qu'il attendait ? Ce sont moins des revenus que lui produisent ses terres, que des gémissements. Ce ne sont pas des fruits qu'il amasse, mais des peines d'esprit, des inquiétudes et des embarras cruels. Il se lamente comme le pauvre. Celui qui est pressé par l'indigence fait entendre ces plaintes: Que ferai-je ? D’où tirerai-je ma nourriture et mes vêtements ? Que ferai-je? dit aussi ce riche. Son âme est oppressée et agitée par les soins et les soucis. Ce qui réjouit les autres inquiète l'avare. L'abondance qui règne dans sa maison ne le satisfait pas ; ses celliers qui regorgent de biens lui causent une peine intérieure ; il appréhende que venant par hasard à jeter les yeux sur les objets qui l'environnent, il ne trouve une occasion de soulager les indigents. Il me paraît être une parfaite image de ces gourmands insatiables, qui aiment mieux charger leur estomac outre mesure et se nuire à eux-mêmes, que d'abandonner leurs restes à celui qui est dans le besoin.

Reconnaissez, ô riche, celui dont vous tenez vos richesses ; rappelez-vous qui vous êtes, quels sont les biens que vous administrez, quel est celui dont vous les avez reçus, et pourquoi il vous a préféré à tant d’autres. Vous êtes le dispensateur d'un Dieu bon, l'intendant et l'économe de vos semblables. Ne croyez pas que les productions abondantes de vos champs soient destinées uniquement à satisfaire votre avidité. Ne regardez pas comme étant à vous les biens que vous avez entre les mains ; ces biens qui, après vous avoir réjoui quelques instants, ne tarderont guère à être dissipés; ces biens dont on vous demandera un compte rigoureux. Vous doublez les portes et les serrures pour les enfermer tous , vous les scellez et les enchaînez de toutes parts ; craintif et inquiet , vous veillez à leur garde , et délibérant avec vous-même, prenant l'avis d'un mauvais conseiller , vous vous demandez : Que ferai-je ? La réponse était prête et toute simple: Je soulagerai la faim du pauvre, j'ouvrirai mes greniers, et j'appellerai tous les indigents. A l'exemple de Joseph, je ferai retentir ces paroles aussi pleines de grandeur que d'humanité : O vous tous qui manquez de pain, accourez à moi, recevez chacun votre subsistance de la bonté de Dieu, prenez votre part des biens qui coulent comme d'une fontaine publique (Gen. 47.). Mais vous êtes bien loin, oui, vous êtes bien loin de ressembler à Joseph, vous qui enviez aux autres hommes la jouissance de vos possessions ; vous qui, tenant conseil au-dedans de vous-même, et prenant un parti funeste aux pauvres, pensez non à soulager les besoins de chacun, mais à garder pour vous seul ce que vous recueillez, et à priver tons les autres de l'avantage qu'ils pouvaient tirer de vos richesses. On était près de redemander l'âme du riche de l'Evangile (Luc. 12. 20.), et il songeait à manger les fruits de ses terres ; on devait la lui redemander cette nuit même, et il imaginait des jouissances pour plusieurs années. On lui a permis de consulter à loisir, et de manifester ses sentiments, afin de lui faire subir la sentence digne de sa résolution criminelle.

Craignez de tomber dans la même faute. L'Ecriture nous offre son exemple, afin que nous évitions son erreur. Imitez la terre, produisez comme elle, et ne vous montrez pas inférieur à un être inanimé. Observez cependant que ce n'est point pour sa propre jouissance, mais pour votre usage , que la terre fait éclore ses fruits ; tandis que vous, vous amassez pour vous-même les fruits de bienfaisance que vous faites paraître au-dehors : car tout l'avantage des bonnes oeuvres re-tourne à celui qui les fait. Vous avez nourri l'indigent ; ce que vous lui avez donné vous revient avec usure. Et comme la semence qui tombe sur la terre, profite à celui qui la jette ; de même le pain jeté dans le sein du pauvre, est du plus grand rapport pour celui qui le donne. Ayez pour fin dans vos cultures de recueillir la semence céleste. Semez, dit un prophète, semez pour vous-même dans la justice (Osée. 10. 12.). Pourquoi vous tourmenter ? Pourquoi vous fatiguer ? Pourquoi cet empressement à enfermer vos biens dans des murs de boue et de briques ? Une bonne réputation vaut mieux que de grandes richesses (Prov. 22. 1.). Si vous les estimez, ces richesses, pour les honneurs qu'elles procurent , considérez combien il importe plus à votre gloire d'être appelé le père d'un millier de pauvres , que de compter dans votre bourse mille pièces de monnaie. Vous laisserez vos biens sur la terre malgré vous ; mais l'honneur qui vous reviendra de vos bonnes oeuvres, vous le transporterez dans le ciel, lorsque tout le peuple, environnant le tribunal du souverain Juge, vous appellera son père nourricier, son bienfaiteur, et vous donnera les autres noms que vous aura mérités votre bienfaisance. Vous voyez des hommes, jaloux de donner des spectacles de baladins et d'athlètes, spectacles qu'on doit avoir en horreur, vous les voyez prodiguer l'or pour repaître leur vanité d'un honneur frivole, pour entendre les cris et les applaudissements du peuple : et vous, vous épargnez la dépense lorsque vous devez obtenir une gloire que rien n'égale. Un Dieu qui reçoit vos présents, les anges qui applaudissent à votre libéralité, les hommes de tous les siècles qui envient votre bonheur, une gloire éternelle, une couronne incorruptible, le royaume des cieux ; telle est la récompense dont sera payée la distribution que vous aurez faite de quelques matières périssables. Vous ne pensez à aucun de ces avantages, et votre amour pour les biens présents vous fait oublier les biens futurs.

Distribuez ici-bas vos richesses pour les besoins du pauvre, et soyez jaloux de vous distinguer dans ces pieuses dépenses. Qu'il soit dit de vous : Il a répandu ses biens dans le sein des indigents, sa justice subsistera dans tous les siècles (Ps. III. 9.). N'aggravez pas les nécessités des misérables, en faisant augmenter le prix de leur subsistance. N'attendez pas la disette pour ouvrir vos greniers. Le monopoleur est maudit du peuple (Prov. II. 26.). Que la soif de l'or ne vous fasse pas épier la famine ; que la passion de vous enrichir ne vous fasse point profiter de la misère commune, et craignez de trafiquer des calamités de vos semblables. Que la colère divine ne soit pas pour vous une occasion de grossir vos trésors, n'aigrissez pas les plaies des malheureux qu'affligent de cruels fléaux. Mais vous ne considérez que l'or, et jamais votre frère. Vous connaissez les marques de la monnaie, vous savez distinguer celle qui est bonne de celle qui est fausse ; et vous affectez de méconnaître votre frère dans le besoin. L'éclat de l'or vous réjouit ; et vous ne faites aucune attention au pauvre qui voudrait vous faire entendre ses gémissements.

Comment vous mettrai-je sous les yeux sa situation déplorable ? Après avoir examiné autour de lui quelles peuvent être ses ressources, il ne se voit ni argent, ni espérance d'en acquérir. Un petit nombre d'habits et de meubles, qui tous ensemble valent à peine quelques oboles, voilà tout ce que possède son indigence. Il finit par tourner ses regards vers ses enfants; il songe à les conduire an marché (1), pour suspendre la mort qui le menace. Imaginez-vous un combat entre la faim qui le presse et l'affection paternelle. La faim lui présente la mort la plus triste, la nature le retient et lui persuade de mourir avec ses enfants. Souvent poussé, souvent arrêté, enfin il cède, forcé et vaincu par une nécessité impérieuse et un besoin pressant. Entrons dans le coeur d'un père pour y voir les réflexions qui l'agitent, Qui vendrai-je le premier ? Qui d'entre eux un dur marchand de grains verra-t-il avec plus de plaisir ? Choisirai-je l'aîné ? Mais je respecte son aînesse. Irai-je au plus jeune ? Mais j'ai pitié de son âge tendre qui ne sent pas encore son malheur. Celui-ci est la plus parfaite image de ses parents : cet autre est propre aux sciences. Quel cruel embarras ! Que devenir? Que faire ? Qui de ces infortunés dois-je attaquer ? Me dépouillerai-je des sentiments humains ? Prendrai-je ceux d'une bête féroce ? Si je veux conserver tous mes enfants, je les verrai tous périr de faim. Devant moi. Si j'en abandonne un seul, de quel oeil verrai-je ceux qui resteront, auxquels je ne serai devenu que trop suspect ? Comment habiterai-je ma maison, après m'être privé moi-même de mes enfants ? Comment me présenterai-je à une table où sera servi un pain acheté à un tel prix ? Il part donc en versant un torrent de larmes, pour aller vendre le plus cher de ses enfants. Son affliction ne vous touche pas, vous ne pensez pas qu'il est homme comme vous. La faim presse ce malheureux père ; et vous marchandez avec lui, vous le retenez, vous prolongez les douleurs qui le déchirent. Il vous offre ses propres entrailles pour vous payer sa nourriture ; et, loin que votre main tremble en recevant de son infortune ce qu'elle vous vend. de plus précieux , vous disputez avec lui , vous craignez d'acheter trop cher, vous cherchez à recevoir beaucoup en donnant peu, aggravant ainsi de toutes parts les disgrâces de cet infortuné. Insensible à ses pleurs et à ses gémissements, votre coeur dur et cruel est fermé à la commisération. Vous ne voyez que l'or, vous n'imaginez que l'or. L'est la pensée qui vous occupe pendant votre sommeil, c'est la pensée qui vous occupe encore à votre réveil. Et comme les personnes dont la tête est dérangée par la folie, ne voient pas les objets mêmes, mais ceux quo leur présente une imagination malade ; de même votre âme, vivement frappée de l'amour des richesses, ne voit que l'or, ne voit que l'argent. Vous préféreriez la vue de l'or à la vue même du soleil. Vous souhaitez que tout se convertisse en or sous vos mains, et vous faites tout ce qui est en votre pouvoir pour que votre voeu s'accomplisse. Que de moyens n'employez-vous pas pour avoir de l'or ? Pour vous le blé devient or, le vin se durcit en or , la laine se transforme en or. Tous vos commerces, tous vos projets, vous apportent de l'or ; enfin l'or même, multiplié par l'usure, vous produit de l'or.

Les désirs de l'avarice ne peuvent être rassasiés ni satisfaits. Nous laissons quelquefois des enfants gourmands se gorger à leur volonté de ce qu'ils aiment davantage, et nous parvenons à les dégoûter en les rassasiant. Il n'en est pas ainsi de l'avare. Plus il se remplit d'or, plus il en désire. Si les richesses abondent chez vous, n'y attachez pas votre cœur, vous dit le roi Prophète (Ps. 1.). Mais vous les retenez lorsqu'elles débordent, et vous fermez exactement tous les passages. Enfermées et retenues de force dans la maison du riche, que font-elles ? Elles rompent toutes les digues, se répandent malgré lui, et faisant violence comme un ennemi qui vient fondre tout-à-coup, elles renversent et détruisent ses magasins et ses greniers. Il en construira de plus grands, dira-t-on. Mais qui est-ce qui l'assure qu'il ne les laissera pas à son héritier, avant qu'il les ait rétablis ? Car il pourra être enlevé du milieu des vivants, avant qu'il ait pu relever, selon ses désirs avares, les édifices où il renferme ses récoltes. Le riche de l'Evangile a trouvé une fin digne de ses résolutions iniques. O vous qui m'écoutez, suivez mes conseils : ouvrez toutes les portes de vos greniers et de vos maisons ; donnez de toutes parts à vos richesses de libres issues. Comme on pratique des milliers de canaux pour que les eaux d'un grand fleuve se distribuent également dans une terre qu'elles fertilisent; de même ouvrez à vos richesses divers passages, pour qu'elles se répandent dans la maison des pauvres. Les eaux des puits n'en deviennent que plus belles et plus abondantes lorsqu'on y puise souvent ; trop longtemps reposées, elles croupissent. L'or arrêté dans les coffres n'est qu'un fonds mort et stérile ; mis en mouvement par la circulation, il devient fructueux et se divise pour l'utilité commune. Quels éloges ne mérite-t-il pas à celui qui le répand pour le bien de ses frères? Ne dédaignez point ces éloges. Quelle récompense ne lui obtient-il pas du juste Juge ? Regardez cette récompense comme assurée.

Que l'exemple du riche condamné dans l'Evangile, se présente sans cesse à vous. Attentif à garder les biens dont il jouit déjà, inquiet pour ceux qu'il s'attend de recueillir, sans savoir s'il vivra le lendemain, il prévient ce lendemain par les fautes qu'il commet dès aujourd'hui. Le pauvre n'est pas encore venu le supplier, et il manifeste déjà la dureté de son coeur ; il n'a pas recueilli ses fruits, et il donne déjà des marques de son avarice. La terre officieuse et libérale lui offrait toutes ses productions ; elle lui montrait dans ses champs des moissons épaisses; dans ses vignes, les ceps chargés de raisins; dans ses divers plants, les oliviers et les autres arbres, dont les branches courbées sous les fruits, lui annonçaient une pleine abondance. Pour lui, il était déjà dur et resserré ; il enviait déjà à l'indigent ce qu'il n'avait pas encore. Toutefois, de quels périls ne sont pas menaces les fruits avant leur récolte ! Souvent la grêle les brise et les écrase, une sécheresse mortelle nous les arrache des mains, des pluies excessives qui fondent des nues, les noient et les submergent. Que n'adressez-vous donc vos prières au Souverain des cieux, pour qu’il accomplisse ses faveurs ? Mais vous vous rendez d'avance indigne des biens qu'il vous destine. Vous parlez en secret au-dedans de vous-même; et le Ciel a jugé vos paroles, et il vous vient d’en haut des réponses terribles. Mais que se dit à lui-même l'avare ? Mon âme, tu as beaucoup de biens en réserve ; bois, mange, réjouis-toi tous les jours (Luc. 12, 19.). Quelle étrange folie ! Si vous aviez l’âme d'une bête immonde, quel autre plaisir lui prépareriez-vous ? Vous êtes si courbé vers la terre, vous comprenez si peu les biens spirituels, que vous offrez à votre âme de grossières nourritures, et que vous lui destinez, ce que les entrailles mêmes rejettent. Si votre âme était décorée de vertus, pleine de bonnes oeuvres et amie de Dieu, elle serait comblée de biens, elle goûterait une volupté légitime et pure. Mais puisque vous n'avez que des idées terrestres, que vous vous faites un dieu de votre ventre, que vous êtes tout charnel, entièrement asservi à vos passions , écoutez la réponse qui vous convient ; ce n'est pas un homme , c'est le Seigneur qui vous la fait lui-même. Insensé, on vous redemandera cette nuit votre âme, et ce que vous avez mis en réserve, à qui reviendra-t-il (Luc 12. 20.) ?

La conduite du riche de l'Evangile est plus extravagante que le supplice éternel n'est rigoureux. Il va être enlevé de ce monde, et quel est le projet qu'il inédite ? Je détruirai mes greniers et j'en construirai de plus grands. Je détruirai mes greniers ! Vous ferez bien, pourrais-je lui dire. Les magasins d'iniquité ne méritent chue trop d'être détruits. Renversez de vos propres mains ce que vous avez élevé criminellement. Ruinez ces celliers dont personne ne se retira jamais soulagé. Faites disparaître toute votre maison, l'asile et le refuge de votre avarice. Enlevez les toits, abattez les murs, montrez au soleil le blé que vous laissez pourrir : tirez de leurs prisons les richesses qui y sont enchaînées : exposez aux yeux du public ces cachots ténébreux où vous tenez vos trésors. Je détruirai mes greniers et j'en construirai de plus grands. Mais si vous remplissez encore ceux-ci, quel parti prendrez-vous ? Les détruirez-vous de nouveau, et en construirez-vous d'autres ? Eh ! Quoi de plus insensé que de se tourmenter sans lin, que de construire et de détruire sans cesse avec la même ardeur ? Vous avez, si vous voulez, des greniers, les maisons des pauvres. Amassez-vous des trésors dans le ciel (Matth. 5. 20.) : ce que vous y mettrez en réserve ne sera ni mangé par les vers, ni rongé par la rouille, ni pillé par les voleurs. Je donnerai aux pauvres, direz-vous, lorsque j'aurai construit de nouveaux greniers. Vous fixez un long terme à votre vie. Prenez garde que la mort ne se presse et ne devance ce terme. Promettre de faire du bien annonce plutôt un coeur dur qu'une âme bienfaisante. Vous promettez, non pour donner par la suite, mais pour vous débarrasser dans le moment. Car enfin, qui vous empêche de donner dès aujourd'hui le pauvre n'est-il pas à votre porte? Vos greniers ne sont-ils pas pleins ? la récompense n'est-elle pas prête ? Le précepte n'est-il pas clair ? L'indigent périt de faim, le pauvre nu tremble de froid, l’infortuné débiteur est traîné en prison ; et vous remettez l'aumône au lendemain ! Ecoutez Salomon : Ne dites pas à celui qui vous demande: Revenez, et je vous donnerai demain; car vous ignorez ce qui arrivera le jour suivant (Prov. 3. 28.- 27. 1.). Quels préceptes vous méprisez, parce que l'avarice vous bouche les oreilles! Vous devriez rendre grâces à votre bienfaiteur, être joyeux et content, vous applaudir de n'être pas obligé vous-même d'aller assiéger les portes d’autrui, mais de voir les malheureux se tenir à la Vôtre: et vous êtes triste, abattu, d'un abord difficile, évitant d'être rencontré, de peur que le moindre don ne vous échappe des mains malgré vous. Vous ne connaissez que cette parole : Je n'ai rien, je ne donnerai pas, je suis pauvre moi-même. Oui, vous êtes réellement pauvre et dénué de tout bien spirituel. Vous êtes pauvre de charité, pauvre de bienfaisance, pauvre de confiance en Dieu, pauvre d'espérance éternelle. Ah! Partagez vos récoltes avec vos frères ; donnez à celui qui a faim un blé qui demain sera pourri. C'est le genre d'avarice le plus cruel de tous, de ne pas faire part aux indigents, même des choses qui se corrompent.

Quel tort fais-je, direz-vous peut-être, de garder ce qui est à moi ? Comment à vous ? Où l'avez-vous pris ? D’où l'avez-vous apporté dans ce monde ? C'est comme si quelqu'un, s'étant emparé d'une place dans les spectacles publics, voulait empêcher les autres d'entrer, et jouir seul, comme lui étant propre, d'un plaisir qui doit être commun. Tels sont les riches. Des biens qui sont communs, ils les regardent comme leur étant propres, parce qu'ils s'en sont emparés les premiers. Que si chacun, après avoir pris sur ses richesses de quoi satisfaire ses besoins personnels, abandonnait son superflu à celui qui manque du nécessaire, il n'y aurait ni riche ni pauvre. N'êtes-vous pas sorti nu du sein de votre mère ? Ne retournerez-vous pas nu dans le sein de la terre Et d'où vous viennent les biens dont vous êtes possesseur ?

Si vous croyez les tenir du hasard, vous êtes un impie; vous méconnaissez celui qui vous a créé; vous ne rendez pas grâces à celui qui vous les a donnés. Si vous avouez qu'ils vous viennent de Dieu, dites-vous pourquoi vous les avez reçus de ce Maître commun? Dieu ne serait-il pas injuste d'avoir fait un partage aussi inégal des biens de ce monde? Pourquoi êtes-vous riche, et votre frère est-il pauvre ? N’est-ce pas afin que vous receviez le prix de votre bienfaisance et d'une administration fidèle, et que lui, il soit abondamment récompensé de sa résignation et de sa patience? Vous qui engloutissez tout dans le gouffre d'une insatiable avarice, vous croyez ne faire tort à personne, lorsque vous privez du nécessaire tant de misérables. Quel est l'homme injustement avide? N’est-ce point celui qui n'est pas satisfait lorsqu'il a suffisamment? Quel est le voleur public? N’est-ce pas celui qui prend pour lui seul ce qui est à chacun ? N'êtes-vous pas un homme injustement avide, un voleur public, vous qui vous appropriez seul ce que vous avez reçu pour le dispenser aux autres ? On appelle brigand celui qui dépouille les voyageurs habillés : mais celui qui ne revêt pas l'indigent nu, mérite-t-il un autre nom ? le pain que vous enfermez est à celui qui a faim ; l'habit que vous tenez dans vos coffres est à celui qui est nu ; la chaussure qui se gâte chez vous est à celui qui n'en a pas ; l'or que vous enfouissez est à celui qui est dans le besoin. Ainsi vous faites tort à tous ceux dont vous pouviez soulager l'indigence.

Voilà de beaux discours, direz-vous ; mais l'or est plus beau. Ainsi, lorsqu'on parle de sagesse à ceux qui vivent dans le désordre, le mal qu'on leur dit de la femme avec laquelle ils ont un commerce criminel, ne fait, que réveiller le souvenir de leur passion et les enflammer davantage. Que ne puis-je donc vous mettre sous les yeux toute la misère du pauvre, afin que vous sentiez de quels gémissements et de quelles larmes vous composer votre trésor ! De quel prix ne vous paraîtront pas au jour du jugement ces paroles ! Venez, les bénis de mon Père, possédez le royaume qui vous a été pi épuré depuis la constitution du monde : car j'ai eu faire, et vous m'avez donné à manger ; j'ai eu soif, et vous m'avez donné à boire ; j'étais nu, et vous m'avez revêtu (Matth. 25. 34 et suiv.). Combien ne frémirez-vous pas au contraire, quel sera votre terreur et votre tremblement, quand vous entendrez cette condamnation ! Retirez-vous de moi, maudits, allez dans les ténèbres extérieures qui étoffent préparées au démon et à ses anges : car j'ai eu faim, et vous ne m'avez pas donné à manger ; j'ai eu soif, et vous ne m'avez pas donné à boire ; j'étais nu, et vous ne m'avez pas revêtu (Matth. 25. 41 et suiv.). Ce n'est point celui qui a pris, que l'Evangile condamne, mais celui qui n'a pas donné.

Je vous ai parlé pour vos vrais intérêts : si vous suivez mes conseils, vous êtes assurés des biens qui vous sont destinés et promis ; si vous refusez de m'écouter , vous savez quelles sont les menaces de l'Ecriture : je souhaite que vous ne les connaissiez point par expérience, et que vous preniez de meilleurs sentiments, afin que vos richesses deviennent pour vous la rançon de vos péchés, et que vous puissiez parvenir aux biens célestes qui vous sont préparés, par la grâce de celui qui nous a appelés tous à son royaume, à qui appartient la gloire et l'empire dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

(1) Dans le temps où écrivait saint Basile, l'esclavage subsistait encore ; et il y avait des exemples de pères qui vendaient leurs propres enfants, lesquels, par cette vente, devenaient esclaves. Saint Ambroise a imité cet endroit du discours de notre orateur, ainsi que plusieurs autres.

Partager cet article
Repost0
8 décembre 2011 4 08 /12 /décembre /2011 16:29

LA CONFESSION 

Monseigneur Jean, évêque de Saint-Denis (Eugraph Kovalevsky) 

 

 

Les prières de la confession dans l'Église orthodoxe d'Orient sont profondes et belles. L'une d'entre elles m'est particulièrement chère ; c'est celle que le prêtre prononce avant la confession elle-même : «Je suis seulement le témoin. Le Christ est invisiblement présent. Dis tout ce que tu as sur la conscience. Tu es venu dans une hôtellerie, ou plutôt un hôpital, afin d'en sortir guéri».  

Une thérapeutique 

Cette formule nous montre qu’il y a deux conceptions de la confession. La première voit dans la confession un jugement : le prêtre est un juge, il faut qu'il résolve des cas de conscience et le pécheur doit expier son péché, payer se dette, si l'on peut dire ; tout est fondé sur l'équilibre de la justice. 

L'autre conception est la conception orthodoxe : elle présente un aspect de la confession et de la pénitence tout à fait différent ; elle est issue des textes patristiques. Ce n'est plus un jugement, c'est une thérapeutique : «Je ne suis pas venu juger le monde, mais le sauver», dit le Christ. 

Le monde moderne possède plusieurs terminologies, tant dans les langages de la psychothérapie et de la psychanalyse, que dans tous les domaines où l'on cherche la guérison de l'âme, de l'être humain ; elles ne sont pas tout à fait exactes, mais rappellent la pensée patristique. 

La majorité des théologiens orthodoxes modernes, sous l'influence des Pères de l'Église primitive et des Pères ascétiques, considère la confession comme un lieu où l'on espère la guérison et non pas comme un règlement de compte, un paiement de dettes à la Justice divine ou à la société de l'Église. Je le répète, cette notion de la confession exprime la liaison intime entre la maladie et le péché, liaison que nous trouvons dans la Bible et dans l'Évangile. L'apôtre Paul insiste : le péché, dit-il, est une maladie qui apporte la mort. 

Il est très curieux de ne point rencontrer dans le régime soviétique athée, marxiste, très sévère quant au problème de la liberté mais poussé aussi par l'ardeur du tempérament prophétique d'un Karl Marx, une quelconque législation exprimant l'idée d'un paiement de dettes. Il en est de même dans la littérature soviétique ; elle regarde les camps de concentration comme un moyen de rééducation de l'être humain, de guérison ; ils guérissent ou... ne guérissent pas, peu importe ! 

Quelle est l'origine de ce langage du marxisme classique ? Est-ce la présence de l'Église ? L'Église orthodoxe, en effet, a toujours vu les pécheurs comme des malades et les malades comme des malheureux qu'il faut guérir et réconforter et à qui il faut permettre de retrouver la santé. Résurrection, ce roman assez artificiel de Tolstoï dans lequel le héros désire sauver une femme, ce roman bien que faible littérairement et psychologiquement, est imprégné de cette pensée. 

Nous devons montrer dans la confession nos plaies, nos maladies, non pas physiques, ni même psychiques, mais morales et spirituelles. Si nous allons vers le médecin plutôt que vers le juge, notre attitude, bien entendu, sera différente et il me semble que cela nécessite de notre part une certaine rééducation. 

Par-delà la morale 

Nous abordons ici un grand problème. Un moine du Mont Athos me disait que le christianisme ne connaît pas la morale (il parlait au sens juridique). Il la connaît sur le plan de la société dont il est bon de tenir compte, mais pas sur le plan intérieur et spirituel ; il ne s'agit pas d'un «quelque chose» dont nous sommes punis parce que nous n'avons pas accompli un ordre reçu. 

La morale chrétienne est évangélique, elle soigne la santé de l'âme, du corps et de l'esprit. C'est la raison pour laquelle le prêtre, après la confession, donne ce qu'on appelle l'épitimie : c'est un genre de régime qui a un peu disparu actuellement. Lorsque vous avez le diabète, on vous défend le sucre, n'est-ce pas ? De même existent des régimes spirituels, visant à ce que l'âme reconnaisse sa maladie (pensées impures, révolte contre Dieu, agacement vis-à-vis du prochain) et recouvre la santé. L'Église ordonne un régime varié, parfois un genre d'abstinence : «Tu ne communieras pas durant six mois ou un an, et pendant ce temps, tu suivras un régime, afin de revenir à la communion guéri de ta plaie interne». 

Tel devrait être le climat. Mais alors commence la difficulté, car dans la mentalité de nos contemporains, le péché sous toutes ses formes n'est plus envisagé comme une maladie. Certes, la majorité aura honte de certaines fautes, mais elle sera plus inquiète, en général, de ses états d'âme - tristesse, servitude, incapacité de prier - que du péché en soi. Et voici le décalage ! On entretient le prêtre de ses émotions, de sa mélancolie, de ses faiblesses : il y a pourtant la réalité du péché ! Une femme me raconta un jour qu'elle était «un peu ennuyée» parce qu'elle recevait chez elle un homme, qu'elle allait chez lui et... elle parlait de cela comme de fumer une cigarette ; en vérité, elle désirait surtout étaler son âme : «Je suis triste, je suis seule, je ne sais pas prier». 

Mes amis, nous touchons un autre point : nous nous faisons des illusions ; notre corps, notre âme, ne nous appartiennent pas. Ils nous ont été confiés par Dieu (notre corps est le temple du Saint-Esprit, annonce l'apôtre Paul). Dieu nous les a donnés en gage. Soyons donc attentifs à notre être humain. Il est à Dieu. S'imaginer que ce que l'on fait n'a pas d'importance lorsqu'on n'en souffre point, c'est penser que le corps, l'âme et la vie sont nôtres. Alors, si mon corps est ma totale propriété, si je suis l'unique chef, le centre de gravité de mon destin, pourquoi ne ferais-je pas ce qui me plaît, puisque je serai malheureux si je fais ce qui me déplaît ? Ce n'est donc plus la confession des péchés. 

Ainsi, la femme que je vous ai citée transformait le fictif en problème et c'est ce fictif qui était blessé. Par contre, réaliser que le corps et la vie sont un don de Dieu, qu'ils sont à Dieu, nous conduit à une beauté que vous ne pouvez pas soupçonner. 

Vous appartenir à vous-même vous rendra toujours avide de divers plaisirs ; mais savoir que vous n'êtes pas votre propre propriété fera de vous un être tourné vers Celui qui est notre Maître. Le commandement et le désir de Dieu deviendront authentiques. Il ne faut pas demander : «Pourquoi cela m'arrive-t-il ?» mais : «Est-ce la volonté divine ? Dieu le veut-il ?» Les maladies morales et spirituelles s'éclaircissent dans ce contexte : j'ai remarqué que le grand obstacle dans la direction spirituelle et dans la confession est de faire du «moi», et non du prochain, le centre. «Moi, je ressens» ; «moi, je suis heureux» ; «moi, je suis malheureux, bien traité, mai traité» : tout se passe en dialogue, je suis le centre de l'univers, tandis que si Dieu devient le centre de gravité, la perspective change extraordinairement. Mon droit n'est plus mon droit. 

Admettons qu’un esclave ait un maître qui lui accorde des journées, des dimanches ou des soirées libres : ces moments toutefois ne lui appartiennent pas, ils sont à son maître. Bien entendu, il n'est pas question d'esclavage avec Dieu ; Il nous donne - nous retire - notre corps, notre âme et notre destin ; mais si ce théocentrisme prend la place de l'égocentrisme, la vision de nous-mêmes sera transfigurée, la confession deviendra réelle. 

Un autre élément, assez redoutable, se dresse pour le confessant : c'est celui du Jugement dernier ; la totalité de nos pensées et de toutes choses sera découverte. Nous réaliserons soudain que ce qui est voilé, camouflé en nous, est mis à jour ; ce n'est nullement aussi effrayant qu'on peut le craindre, si nous sommes humbles ; mais sommes-nous assez humbles ? Tout être renferme en lui des recoins fort désagréables, difficiles à dévoiler, n'est-ce pas ? Pourtant, tel est le mystère du Second Avènement : l'invisible sera visible, le dissimulé apparaîtra. Ne pensons pas que Dieu nous rappellera nos fautes, nous serons nos propres juges. Nous craindrons ce jugement, si nous sommes orgueilleux ; si nous sommes humbles, nous n'aurons pas «froid dans le dos» ! «Verra-t-on qui je suis réellement ?» - Oui ! Alors, se vérifieront notre humilité et notre simplicité. 

La guérison 

Considérons un autre aspect important. Lorsque le prêtre donne ou ordonne, plutôt, une thérapeutique spirituelle, il ne faut pas croire qu'elle corresponde inévitablement à notre péché. Selon la loi spirituelle, l'homme se guérit par des cures spirituelles sans rapport apparent avec le péché commis. L'étonnant est qu'il guérisse au nom du péché commis. Prenons un exemple : vous avez éprouvé un moment de haine ou d'impureté ; le médicament approprié sera le jeûne, la prosternation, le silence, la prière de pénitence ou de louange. 

N'oublions pas, pourtant les paroles du prophète Isaïe - qui ne diminuent en rien d'ailleurs la valeur des «épitimies» d'abstinence, de prosternation, de restriction - : «Ne savez-vous pas quel est le jeûne que j'aime, paroles du Seigneur Dieu ? Rompre les chaînes du juste, délier les liens du joug». Aux pratiques de jeûne, de prière, les actes de charité sont supérieurs. Saint Ambroise disait à un pénitent : «Fais abstinence quarante jours, mais n'oublie pas que l'argent ainsi économisé en te privant, doit être pour le pauvre qui n'a rien à manger». Voici déjà un aspect de la charité, une thérapeutique susceptible de nous guérir nous-mêmes. 

A la suite des Pères de l'Église, nous distinguerons à présent diverses formes de charité : la charité parce qu'on est «charitable», la charité parce que l'on aime son prochain ou parce que Dieu le veut, la charité enfin pour nous-mêmes, afin que notre âme devienne charitable ou soit guérie de ses péchés. L'acte de charité envers le prochain renferme non seulement de la grandeur mais de l'humilité. 

«Pourquoi fais-tu la charité ? - Pour que Dieu me guérisse de mes péchés». Oubliez cet aspect de la charité et le mécanisme de l'âme humaine vous entraînera facilement dans la satisfaction de votre propre action. Eh oui ! Le danger du mouvement charitable est qu'il nous rende heureux. Nous pouvons, par l'intermédiaire de la charité, tomber dans une grande maladie : la haute satisfaction, l'encensement de soi, une santé de contentement charitable. Par contre, «faire la charité» (je ne parle pas de celle qui est spontanée, aussi naturelle que la respiration) pour guérir son âme, change la situation ; ce n'est plus nous qui faisons le bien, c'est Celui qui a accepté notre acte qui devient notre guérisseur, notre médicament. Réalisez-vous ce renversement ? Je le redis : mon esprit, mon âme, mon corps ne sont pas ma propriété ; je soigne simplement ce que Dieu m'a confié et je le soigne par la charité. C'est pourquoi les Pères de l'Église ajoutent au jeûne, à la prière de pénitence, les actes de charité : visites aux malades, dons d'argent... La charité est pour eux une thérapeutique mais ils suppriment la prétention d'être charitable. 

Ne croyons pas non plus que de faire le bien autour de nous apportera nécessairement le bonheur. Nous faisons fréquemment des «bêtises», car la charité vraie est l'offrande d'une âme déjà sainte et très développée. Grégoire, le théologien de Novgorod, avait acquis le discernement de l'âme. Novgorod, république bourgeoise du Moyen-Age, était divisée en deux parties, de part et d'autre du fleuve, réunies par un pont. L'argent était dieu, le vol plus que l'assassinat était criminel, et le coupable devait périr noyé. Un jour, saint Grégoire passant sur le pont en compagnie de quelques moines, vit un homme condamné que la foule se préparait à précipiter dans le fleuve. Le saint dit : «Confiez-moi cet homme», et il le prit dans son monastère. Quelques années plus tard, la même scène se reproduisit. Saint Grégoire n'intervint pas, laissant la foule noyer l'homme. Ses moines s'étonnèrent : «Père, pourquoi ne l'as-tu pas sauvé ?» Il répondit : «Vous ne connaissez pas les âmes ; le premier était un criminel ; je l'ai pris dans un monastère pour le guérir, aujourd'hui il est notre économe; quant au deuxième, il est non seulement innocent, mais tellement préparé à la mort que les Anges l'attendent». 

Nous n'agissons pas toujours de la manière juste ; c'est pourquoi je préfère regarder les œuvres de charité en vue de la guérison de l'âme plutôt que pour le bien du prochain. Que de gens désirent faire votre bonheur de telle façon que, par délicatesse ou faiblesse, vous acceptez cette aide qu'ils vous imposent. Ainsi notre époque aime particulièrement établir la charité sur le plan économique. C'est bien, mais ne pensons pas apporter le bonheur au monde en augmentant son niveau économique. Le bonheur est bien autrement complexe ! 

Un deuxième élément présente un problème délicat. Notre existence doit tenir compte de plusieurs aspects ou plusieurs plans. Notre regard doit percer, traverser notre idéal : est-ce la pureté (virginité de la Vierge), est-ce le mariage unique et pur (Adam et Ève, le Christ et l'Église), est-ce une vision spirituelle, morale, sociale, ou finalement, le plus haut idéal : la Divine Trinité - car la société tend vers la vie divine, vers l'unité, dans l'amour du Père, du Fils et du Saint-Esprit, des Trois qui sont Un. Contemplons, scrutons avant tout les formes idéales dans la confession, c'est-à-dire : comme il faut être, la vocation divine, les relations avec les autres, les rapports de l'esprit avec le corps ; attachons-nous aux proto-images, aux prototypes. 

L'idéal et le concret 

Le plan concret suit le plan idéal, sur terre, car entre l'image idéale et l'image réelle se produit un profond décalage. C'est le cas, par exemple, de l'unique mariage authentique : un homme aime une seule femme dans sa vie, il n'en a jamais regardé d'autre, ne serait-ce qu'avec désir et sympathie du point de vue émotionnel (je ne parle pas de la sympathie humaine pour une sœur ou une mère). 

Au moment de sa rencontre avec la femme qu'il aime, tous deux sont vierges, c'est-à-dire qu'aucun mouvement sensuel ne s'est manifesté hors de cette unité, et ceci du début à la fin, sans fissure. Voici, contemplons cet unique amour, cet unique mariage, scrutons-le comme un reflet de l'incarnation de Dieu, de Celui qui a épousé notre nature, comme un reflet de l'amour du Christ pour l'Église, de Dieu pour l'homme. Voilà ce qu'est le mariage. Mais si nous examinons les statistiques, je crains que nous ne trouvions guère de mariage absolu sur terre, à l'image de l'unique mariage. Même parmi les mariages chrétiens, je suis convaincu que 99 % d'entre eux sont décalés par rapport à leur idéal. Il y aura fidélité, mais avec une petite ombre ici ou là, un amour unique, mais avec des conflits intérieurs... 

Vous discernez, certainement, la multitude des problèmes qui peuvent se poser. Je me demande si quelqu'un osera dire qu'il a rencontré dans sa vie un mariage parfait au sens absolu. Ces premières constatations nous obligent à être humbles et, par conséquent, dans la confession, toutes les grandi-loquences sont fausses. On confond trop souvent tension vers l'absolu et réalité absolue. Un homme peut mourir pour son unique amour, mais un autre, dans un instant sublime, donner sa vie, mais penchons-nous sur l'être humain, de sa naissance à sa mort : si au lieu d'être martyr à 18 ans, il vit jusqu'à 50, 70, 80 ans, nous nous apercevrons qu'en aucun domaine de son être, il n'y eut réalisation sans fissure. D'impur il peut devenir pur, de désordonné ordonné, d'homme charnel homme spirituel, mais le passé... ? 

Considérons à propos de notre idéal et de notre attitude la vie des Saints. Nous discernons deux catégories de Saints, ceux qui, dès les entrailles de leur mère et encore nourris par le lait maternel, louaient déjà le Seigneur, manifestant la sainteté : ils nous apparaissent presque sans fissure, je dis «presque» parce que, si nous pouvions les connaître de près, nous découvririons quelque faiblesse ; les autres Saints, guère sympathiques dans leur jeunesse, un François d'Assise bondissant dans le désordre, un Augustin aux douloureuses blessures spirituelles, un divin Paul ancien meurtrier, etc. 

Nous avons des exemples très curieux de Saints, entrant dans la sainteté à l'âge de 80 ans. Je cite souvent ce saint allemand, prussien de naissance, qui adopta la Russie. D'abord militaire à l'âge de 30 ans, à l'époque de Napoléon, il devint vers 40 ans un genre de vagabond russe romantique ; puis, vers 60 ans, il découvrit un élément religieux qui le poussa à visiter les Lieux Saints. A 83 ans, il parvint en pèlerinage au Monastère de Solivici et rencontra, là, la foi en Christ. Du même coup sa vie changea totalement. A 83 ans, il fonda un monastère, à 88 ans il faisait des miracles. 

Sur le chemin de la sainteté, on part toujours vers... Si nous prenons l'homme dans sa biographie complète, si nous étudions n'importe quel aspect en lui, nous nous heurterons toujours aux défaillances. Ce n'est pas parce que nous le constaterons qu'il faudra s'écrier : «Que voulez-vous, c'est humain !». Nous devons aimer, viser l'image prototype, sans nous donner l'illusion que nous y arriverons. Nous acquérons la lucidité nécessaire et les «antennes» pour nous diriger. 

Les normes et la personne 

Descendons sur terre et constatons nos faiblesses. Notre vie ordinaire ne comporte pas seulement les péchés que nous avons commis, elle nous place devant le dilemme non plus de l'idéal et de la réalité, mais des formes normatives et des formes personnelles réalisées. Un problème surgit. Aucune société ne peut vivre sans normes, sans certaines lois, certaines règles économiques. Les normes coutumières d'une société, plus ou moins relatives, plus ou moins bonnes, reflétant l'idéal au sens relatif, on ne peut les supprimer. D'autre part, il est impossible que la vie propre de chaque homme soit toujours conforme aux normes. Nous rencontrons des êtres qui, tout en péchant contre elles, réalisent parfois quelque chose de plus authentique. 

Par exemple : les normes exigent des conditions pour le mariage légitime - la mairie, l'église, toutes les apparences sont là. On ne se marie qu'une fois, on élève les enfants, tout est en règle. Les formes sont normatives. Mais voici les formes personnelles : il peut advenir que le mariage ne soit pas vraiment un mariage. Le mari n'aime pas sa femme, le conflit naît, une rencontre étrangère survient et les époux, homme ou femme, deviennent infidèles. 

Ce sentiment illégitime peut, soudain, pousser l'homme ou la femme à aller plus loin spirituellement. A l'opposé, ce qui est normatif (papa, maman, enfant) ne donne quelquefois rien spirituellement. Il arrive souvent que ce qui est contre les normes, soit plus salutaire et plus efficace, même du point de vue religieux. Un conflit, un déséquilibre, un manque de cohésion entre la vie personnelle et les normes imposées par la société existent; on s'écrie alors : «Jetons les normes, les lois, les coutumes par-dessus bord !» ou : «C'est illégitime, il faut couper !». La vie personnelle est sacrifiée aux normes. Déséquilibre. Qu'on le veuille ou non, il y a guerre entre l'élément normatif et la personne. Et se pose alors une étrange question. D'une part, il est plus aisé de dire : «Restez dans les normes, ne les brisez pas» ; d'autre part, l'homme risque de se consumer en un compromis entre les règles normatives et sa vie personnelle. 

Prenons le cas suivant : un jeune homme entre au séminaire et devient prêtre. Il est animé de flamme. Il part dans une paroisse et voici, la flamme, surprise par le doute, le fait hésiter sur sa vocation, et même sur sa religion. Le problème est aigu : il en parle à ses camarades. «Je voulais tant apporter quelque chose, j'étais prêt, je m'étais engagé, ma mère avait prié toute mon enfance pour que je sois ordonné... D'autre part, il serait malhonnête de demeurer dans le sacerdoce, puisque je ne crois plus à ce que je fais». Un de ses camarades lui répondra : «Abandonne la prêtrise, sois honnête» ! Un autre lui rétorquera : «Demeure quand même» ! Question bien ardue à résoudre, car il peut arriver que, s'il accepte la forme normative dans laquelle il est inscrit socialement, sa foi lui revienne, mais, en d'autres cas, il est préférable d'abandonner. 

Les conflits ne sont pas uniquement en sens vertical ; ils sont aussi en sens horizontal, entre norme et conscience, entre moi et ce que je sens devoir accomplir. On pourrait appeler cette situation (ce qui serait d'ailleurs injuste puisqu'elle est involontaire) «hypocrisie», «malhonnêteté», «ambiguïté». Il est paradoxal de déclarer : «Comme prêtre, je dis ceci, comme homme, je dis cela» : tu es prêtre, tu es mon ennemi, Chrétien je ne dois pas tuer. Que de luttes de conscience en notre vie ! Nous ne pouvons échapper entièrement à cette malheureuse et troublante dualité. Celui qui proclame : «Je suis intègre», ment ; celui qui affirme : «J'ai toujours tort», ment. Deux langages s'affrontent inévitablement. 

L'hypocrisie 

Alors, direz-vous, où est le péché ? Comment dans ce contexte évaluer le péché ? Hélas, c'est la très grande difficulté. Il ne faut pas opposer nécessairement la notion du péché à celle de la légitimité, ni accepter comme péché ce qui est illégitime. Ces deux problèmes nous poussent éternellement à la recherche de l'équilibre. Votre cheminement spirituel (je ne dis pas «vocation», car le cheminement spirituel est si curieux et inattendu) peut rompre avec les normes ou avec les conflits. Saul devient Paul ; un saint peut devenir criminel. Dieu peut s'atteindre par des cheminements détournés. Certains événements de notre vie, sans raison pour les autres, sont définitifs pour nous. Que de fois des chutes conduisent vers la lumière. 

L'unique moyen de dépister cette forme d'hypocrisie, de compromis sans aucune restriction, c'est de tout abandonner : si vous voulez Me suivre, abandonnez votre père, votre mère, vos biens, dit le Christ : autrement, nous traverserons une vie de compromis entre la norme et la conscience. Ainsi, comment un père de famille pourra-t-il préserver son autorité vis-à-vis de son fils, si ce dernier commet une mauvaise action semblable à celle que lui aussi a commis dans sa jeunesse ? Pourra-t-il être vraiment sincère et confier à son enfant : «J'ai agi comme toi» ? - sauf si ce mal lui paraît pédagogiquement préférable. Notre position sociale nous contraint - parce que membres de la société - à un comportement plus ou moins étranger à ce que nous ressentons ; et la fonction normative nous oblige déjà à supporter des dualités. L'Évangile nous enseigne alors : celui qui désire avancer doit tout abandonner. 

Pourquoi est-ce que je parle ainsi ? Est-ce prêcher l'amoralité ? - Non. La confession vraie est l'écartement de toutes les illusions. Rien n'est aussi nuisible que de s'imaginer supérieur à ce que l'on est, de se complaire en son propre mythe. Nous sommes des enfants de lumière et de vérité, non seulement de la vérité transcendante de la Trinité mais de la vérité sur nous-mêmes, sur ce qui se passe en nous. Je vous l'affirme, considérons lucidement notre vie et nous dépisterons aussitôt la dualité du monde intérieur et du monde extérieur, avec les apparences qu'il faut souvent savoir garder - ici, je m'adresse aux anticonformistes, ceux qui se révoltent contre tout, surtout les jeunes gens qui inconsciemment s'inscrivent... dans d'autres normes, influencés par la foule des autres jeunes. 

Aucune vie personnelle sociale ne peut actuellement se maintenir sans défaillance. Elle sera toujours limitée par la société qui la pliera à certaines exigences. Cela ne signifie nullement - malgré cette relativité - l'impossibilité de progresser ! C'est l'hypocrisie que blâme l'Évangile : «Malheur à vous scribes et pharisiens hypocrites !». Ces paroles du Christ s'adressent à des êtres ne vivant que pour les apparences. On ne peut être entravé dans la progression intérieure si l'on reconnaît lucidement la dualité agissant dans le monde. Que voyons-nous en cette dualité ? La vocation unique de tout homme n'a qu'un but : Dieu. Nous sommes créés pour devenir nous-mêmes des dieux : voici l'absolu ! Auprès de cet absolu s'en élève un autre : chacun de nous est un membre du corps de l'humanité. Certes, les formes normatives les mieux organisées sont limitatives ; toutefois, en les respectant, nous respectons les autres et nous nous inscrivons dans le Corps. Pourquoi devons-nous respecter ces règes en dehors des nécessités sociales ? Par respect, par simple respect de ceux qui vivent en leur sein. Ces normes - si on les comprend bien - unissent et provoquent le dynamisme dans la dualité de notre être. Qu'est-ce à dire ? Il faut continuer notre évolution personnelle vers Dieu, avancer de plus en plus et, parallèlement, penser au respect des autres qui s'exprime dans le respect des lois de la société, du milieu où nous vivons, dans les règles canoniques. Ayons conscience que nous sommes membres d'un seul et même corps. 

Ce déséquilibre, cette prétendue imperfection apparaîtront comme le point de départ de la conquête de la vie trinitaire. Prenons garde ! Si nous disons que la vie personnelle est supérieure à la vie normative et sociale, nous voterons pour la personne absolue et la Trinité sera brisée ; au contraire, si nous ne votons que pour une vie normative générale, nous voterons pour une collectivité et notre personne, à son tour, sera brisée. 

Acceptons, mes amis, le conflit entre la conquête de la personne et le respect des normes. Que ce conflit demeure ! Spirituellement, il est dynamique. Voulez-vous diriger votre vie spirituelle ? Saisissez alors lucidement ces deux opposés. Perfectionnez les deux, discernez au sein de ce conflit si ce ne sont pas notre petite vanité, notre orgueil et notre égocentrisme qui se révoltent contre les normes, plutôt que notre personne, et nous nous trouverons devant deux conflits imprégnés de parasites et non devant deux conflits abstraits. Notre premier effort n'est point de les dresser l'un face à l'autre mais de découvrir attentivement s'il y a lieu) l'impureté des motifs qui nous font, brusquement, rejeter les règles et qui sont fréquemment des formes de lâcheté. 

Quelques conseils

 

Je conclurai cet aperçu sur la confession en me permettant de vous communiquer quelques conseils. 

J'ai déjà souligné qu'elle n'est pas le jugement mais la guérison de notre âme. On pense souvent : «Je ne puis me confesser, il m'est impossible de promettre ceci ou cela, car je ne tiendrai pas ma promesse». En réalité, pourquoi l'homme ne peut-il promettre ? Parce qu'il est profondément attaché à tel péché et sa promesse l'effraie parfois tragiquement. Les promesses, ainsi que les vœux, ont quelque chose d'inexact et toutes les formes de vœux ne sont pas toujours évangéliques. Les vœux peuvent, s'il le faut, s'exprimer dans un domaine extérieur, non en un domaine touchant profondément l'être humain. 

        Écartons complètement l'idée que nous pouvons promettre. L'absurdité de la promesse que nous donnons vient de ce que nous surestimons notre volonté. L'apôtre Paul s'exclamait : «Je fais ce que je ne veux pas faire, et je ne fais pas ce que je veux faire». Si le divin Apôtre constatait son impuissance, comment pouvons-nous exiger de nous-mêmes d'obéir à une promesse donnée en confession ? Il ne s'agit pas de promettre, il s'agit d'avoir le désir de sortir de là - je dis «désir» et non «exigence», parce que l'exigence arrête et enfonce davantage - il s'agit d'avouer : «Je suis faible, mais je cultive le désir d'être autre». 

Nous touchons le fond du problème. Comment faire naître ce désir ? Envisageons l'état négatif et positif de l'âme : l'état négatif sera la tristesse, le positif sera la joie : 

négatif     agitation                                            positif paix

négatif     animosité                                          positif amour

négatif     exigence                                             positif pardon

négatif     révolte                                                 positif obéissance

négatif     découragement                                positif courage, sérénité 

Les éléments négatifs sont désagréables. Nous en souffrons. Je parle surtout des états désagréables du péché. Pourquoi dis-je cela ? Parce que le péché, prétendu agréable, nous est, en général, inspiré afin que nous retombions ensuite dans un état désagréable. Le diable en profite pour nous glisser une sucette au moyen de laquelle il nous infiltre du poison. 

Nous sommes tristes, agités, découragés, abattus. Nous aspirons à nous évader et c'est la première difficulté. Pourquoi ? Parce que nous n'avons pas suffisamment le désir, le désir simplement de posséder la joie, la paix, l'amour, même dans un état de tristesse, d'agitation ou de haine. Voici la raison qui nous entraîne à la confession : exhaler notre tristesse ! Sachons-le, le péché n'est pas tant la tristesse que l'absence du désir de joie. 

Alors, me répondrez-vous, «comment augmenter ce désir ?» - Vous êtes dans l'agitation ? Dites-vous : «Je dois tout sacrifier, même si cela est pénible, pour parvenir à la paix. Si j'arrive à tout sacrifier pour la joie, les paroles du Christ seront près de moi et me secourront. A mon cri : c'est difficile ! le Christ répond : "Mon fardeau est doux et léger !». Vous ne voulez pas combattre la tristesse ? Le trouble vous envahit ? Mettez-vous dans la paix, artificiellement, volontairement, écartant ce qui peut alimenter le négatif, vous attardant au contraire, au positif. 

Lorsque vous arrivez à la confession, sachez qu'il est aisé de ne pas avoir tel ou tel état d'âme ; si vous gardez la pensée que vous n'y parviendrez pas, vous ne serez jamais guéri. Réparez la tristesse, la jalousie, la haine comme des plaies, et non comme étant vôtres. Vous n'êtes pas totalement tristes, totalement jaloux : c'est pourquoi vous avez la possibilité d'en sortir. 

Que votre prière ardente commence par : «Seigneur, donne-moi la joie». David crie : «Du fond de l'abîme je crie vers Toi. Mon âme est triste» et soudain : «J'espère dans le Seigneur !» Lorsque vous confessez vos plaies, lorsque vous recevrez l'absolution, l'effacement de la tristesse, de l'agitation, de la haine, lorsque le prêtre vous donnera la thérapeutique vous permettant de les dépasser, à l'instant même, je vous le dis, cette puissance guérira votre âme. 

                                                                                    Mgr Jean, évêque de Saint-Denis

 

Ce texte est extrait d'un cours donné par Monseigneur Jean, évêque de Saint-Denis (1905-1970), premier évêque de l'Église orthodoxe de France (1964-1970), à l'Institut orthodoxe français de Paris Saint-Denys, au cours de l'année académique 1965-1966.

 

 

Partager cet article
Repost0
8 décembre 2011 4 08 /12 /décembre /2011 16:25

 

Saint Nectaire d’Egine

Il est sans aucun doute parmi les saints les plus aimés et les plus vénérés de l'Église orthodoxe du XXe siècle. L'Évêque de la Pentapole, le Thaumaturge d'Égine, est très populaire, non seulement en Grèce, mais aussi parmi les orthodoxes d'Occident, où son culte s'est fortement répandu. Cela en raison surtout de ses nombreuses intercessions et de ses innombrables guérisons miraculeuses. Ayant beaucoup souffert avec patience par amour pour le Christ, la calomnie, le mépris et les vexations, il a appris à se montrer compatissant pour les souffrances de ceux qui se confient en lui. Sa catéchèse, toute emprunte de profonde simplicité, nous montre combien il est proche de nos préoccupations spirituelles et particulièrement de celles des plus petits et des plus humbles d'entre nous.

 

Catéchèse

Saint Nectaire est l’auteur de nombreux livres, dont la plupart avaient comme but d’instruire ses concitoyens des richesses de la tradition orthodoxe, en reprenant les traits essentiels de la théologie et de la spiritualité des Pères. Nous présentons ici quelques extraits de ses écrits, en traduction littérale d’une version anglaise (Constantine Cavarnos, St. Nectarios of Aegina, 1988, pages 154-185).

 

LE CHRISTIANISME

La religion chrétienne n'est pas un système philosophique au sujet duquel des hommes érudits, instruits en études métaphysiques, discutent et alors épousent ou rejettent, selon leurs opinions propres. C'est la foi, établie dans les âmes des hommes, la foi qui doit être répandue à tous et gardée dans les consciences.

* * *

Il y a des vérités dans le christianisme qui sont hors de portée de la compréhension intellectuelle, qui ne peuvent être saisies par l'intelligence limitée de l'homme. Notre intellect prend connaissance d'elles, devient convaincu de leur réalité, et témoigne de leur existence surnaturelle.

* * *

Le christianisme est une religion de révélation. Le Divin dévoile sa gloire seulement à ceux qui sont perfectionnés par la vertu. Le christianisme enseigne la perfection par la vertu et demande que ses fidèles deviennent saints et parfaits. Il désapprouve et s'oppose à ceux qui sont sous l'influence de l'imagination. Celui qui est vraiment parfait dans la vertu parvient, par l'aide divine, au-delà de la chair et du monde et entre vraiment dans un autre monde, un monde spirituel ; cependant, non par l'imagination, mais par le don de la grâce divine. Sans grâce, sans révélation, aucun homme, même le plus vertueux, ne peut transcender la chair et le monde.

* * *

Dieu se révèle lui-même aux humbles qui vivent selon la vertu. Ceux qui s'élèvent avec les ailes de l'imagination entreprennent le vol d'Icare et ont la même fin. Ceux qui nourrissent des fantaisies ne prient pas ; car celui qui prie élève son esprit et son cœur vers Dieu, tandis que celui qui se tourne vers l'imagination s'égare lui-même. Ceux qui sont dominés par leur imagination se sont retranchés de la grâce de Dieu et du royaume de la révélation divine. Ils ont abandonné le cœur, là où la grâce est révélée, et se sont eux-mêmes rendus esclaves de l'imagination, laquelle est dénuée de toute grâce. Seul le cœur reçoit la connaissance des choses qui ne sont pas saisies par les sens, parce que Dieu, qui demeure et agit à l'intérieur du cœur, parle en lui et lui fait voir la substance des choses espérées.

* * *

Cherche Dieu tous les jours. Mais cherche-le dans ton cœur, non à l'extérieur. Et quand tu le trouves, tiens-toi avec crainte et tremblement, comme les chérubins et les séraphins, car ton cœur est devenu un trône de Dieu. Cependant, pour trouver Dieu, deviens humble comme la poussière devant le Seigneur, car le Seigneur ne supporte pas l'orgueilleux, tandis qu'il visite ceux qui sont humbles dans leur cœur, voilà pourquoi il dit : " Celui que je regarderai, c'est celui qui est doux et humble de cœur ".

* * *

La Lumière divine illumine le cœur pur et l'intellect pur, car ils sont aptes à recevoir la lumière ; alors que les cœurs et les intellects impurs, n'étant pas aptes à recevoir l'illumination, ont en aversion la lumière de la connaissance, la lumière de la vérité ; ils aiment l'obscurité... Dieu aime ceux qui ont un cœur pur, il écoute leurs prières, accède à leurs demandes qui mènent au salut, se révèle à eux et leur enseigne les mystères de la nature divine.

L'ÉGLISE

Le terme " Église ", selon la vue orthodoxe stricte, a deux significations : l'une d'elles exprime son caractère doctrinal et religieux, c'est-à-dire, son essence intérieure, personnelle et spirituelle, et l'autre exprime son caractère externe. Ainsi, selon la confession orthodoxe, l’Église est définie d'une façon double : en tant qu'institution religieuse et en tant que communauté religieuse (koinonia).

La définition de l'Église en tant qu'institution religieuse peut être formulée ainsi : l'Église est une institution religieuse divine du Nouveau Testament, fondée par notre Sauveur Jésus Christ, par l'économie de son Incarnation, établie sur la foi en lui et la vraie confession, et inauguré le jour de la sainte Pentecôte par la descente du Saint-Esprit sur les saints disciples et apôtres du Christ Sauveur, qu'il a rendu des instruments de la grâce divine pour la perpétuation de son travail de rédemption. En cette institution est confié la totalité des vérités révélées ; à l'intérieur d'elle agit la grâce divine par les mystères (sacrements) ; en elle sont régénérés ceux, qui avec foi, approche le Christ Sauveur ; en elle sont préservés l'enseignement et la tradition apostoliques écrits et non écrits.

La définition de l'Église en tant que communauté religieuse peut être formulée ainsi : l'Église est une société d'hommes unis dans l'unité de l'esprit, dans le lien de la paix.

* * *

Dans un sens chrétien plus large, l'Église est la communauté de tous les êtres raisonnables et libres qui croient au Sauveur, y compris les anges. Cette communauté, comme le dit l’apôtre Paul, est le corps du Christ, la plénitude de celui qui remplit tous en tout (Ép 1, 10 et 20-23) ; cette communauté inclut également ceux qui ont cru en Christ avant sa venue et qui ont constitué l'Église de l’Ancien Testament. Cette Église a été guidée, pendant la période des patriarches, par les promesses et la foi basées sur la révélation, et pendant la période de Moïse et des prophètes, par la loi et les prophéties.

* * *

La vision correcte de l'Église distingue entre l'Église combatte et l'Église triomphante. L’Église est combattante tant qu'elle lutte contre la méchanceté pour le règne du bon, elle est triomphante dans les cieux, là où demeure le chœur des justes, qui ont lutté et ont été rendu parfaits dans la foi en Dieu et dans la vertu.

LA TRADITION

La Tradition sacrée est l'Église même ; sans Tradition sacrée l'Église n'existe pas. Ceux qui nient la Tradition sacrée nient l'Église et la prédication des apôtres.

Avant la rédaction des Saintes Écritures, c'est-à-dire, des textes sacrés de l'Évangile, des Actes et des Épîtres des apôtres, et avant qu'ils aient été dispersés aux Églises du monde, l'Église a été basée sur la Tradition sacrée.

* * *

Les Pères de l'Église considèrent la Tradition sacrée comme le guide sûr dans l'interprétation des Saintes Écritures et absolument nécessaire pour comprendre les vérités qu'elles contiennent.

L'Église a reçu beaucoup de traditions des apôtres... La constitution des offices, particulièrement de la Divine Liturgie, les saints mystères eux-mêmes et la façon de les exécuter, certaines prières et d'autres institutions de l'Église remontent à la Tradition sacrée des apôtres.

Dans leurs canons, les saints Conciles tirent non seulement des Saintes Écritures, mais également de la Tradition sacrée comme d'une source pure. Ainsi, le septième Concile œcuménique dit dans le huitième décret : " Si quelqu'un viole n'importe quelle partie de la Tradition de l'Église, écrite ou non écrite, qu'il soit anathème. "

DÉCOUVRIR DIEU

Le cœur pur perçoit Dieu et le découvre, alors que le cœur fourbe ne le voit pas, même lorsqu’on l’indique.

* * *

Il est évident que l'incroyance est un fruit mauvais d'un cœur mauvais ; le cœur pur et sans ruse découvre Dieu partout, le discerne partout, et croit toujours sans hésitation en son existence. Quand l'homme pur de cœur regarde le monde de la nature, c'est-à-dire, le ciel, la terre, et la mer et toutes choses en eux, et qu’il observe les systèmes les constituant, la multitude infinie d'étoiles dans le ciel, l'innombrable quantité d'oiseaux, de quadrupèdes et de toute espèce d'animal sur la terre, la variété des plantes, l'abondance des poissons de la mer, il est immédiatement stupéfié et clame avec le prophète David : Que tes œuvres sont grandes, Seigneur, toutes avec la sagesse tu les fis (Ps 103, 24). Un tel homme, poussé par son cœur pur, découvre Dieu également dans la grâce de l'Église, dont l'homme de mauvais cœur est éloigné. L'homme de cœur pur croit en l'Église, admire sa vie spirituelle, découvre Dieu dans les mystères, dans les hauteurs de la théologie, dans la lumière des révélations divines, dans les vérités des enseignements, dans les commandements de la loi, dans les accomplissements des saints, dans l'acte bon, dans chaque don parfait, et en général dans la totalité de la création. Juste donc la parole du Seigneur dans ses Béatitudes au sujet de ceux qui ont le cœur pur : Bienheureux les cœurs purs, car ils verront Dieu (Mt 5, 8).

LA CONNAISSANCE DE SOI

La connaissance de soi est le premier devoir de l’homme. L’homme, en tant qu’être raisonnable, jouissant de la liberté et étant religieux, est un être supérieur et il fut destiné à devenir comme Dieu, dans l’image duquel il a été créé, et un participant de la bonté et la sainteté divines. Mais afin de devenir semblable à Dieu, bon et saint et de communier avec Dieu, l'homme doit d'abord se connaître. Sans la connaissance de soi, l’homme s’égare dans ses pensées, il est dominé par diverses passions, il est tyrannisé par des violents désirs, il se préoccupe au sujet de beaucoup de choses vaines, et il mène une vie désordonnée et distraite, errant en toutes choses, chancelant à chaque pas, et il trébuche et chute et il est écrasé. Chaque jour il boit le breuvage de la douleur et de l'amertume, remplit son cœur de peine et d’amertume, et il vit une vie misérable.

* * *

Celui qui ne se connaît pas lui-même ne connaît pas Dieu non plus. Et celui qui ne connaît pas Dieu ne connaît pas la vérité et la nature des choses en général... Celui qui ne se connaît pas lui-même pèche continuellement contre Dieu et s'éloigne continuellement plus loin de lui. Celui qui ne connaît pas la nature des choses et ce qu'elles sont vraiment en elles-mêmes est incapable de les évaluer selon leur vraie valeur et de distinguer entre ce qui est vil et ce qui est précieux, entre ce qui est sans valeur et l'objet de valeur. C'est pourquoi une telle personne s'épuise elle-même à la poursuite des choses vaines et insignifiantes, et est insouciante et indifférente aux choses éternelles et précieuses. L'homme doit désirer se connaître lui-même, connaître Dieu, et comprendre la nature des choses telles qu'elles sont en elles-mêmes, et devenir ainsi image et ressemblance à Dieu.

Celui qui se connaît connaît ses devoirs envers lui-même, envers Dieu, envers son prochain, et il sait que la piété, la justice, la vérité et la connaissance doivent être pour lui la mesure de tous ses actes, ceux qui concernent Dieu, son prochain et lui-même… Celui qui se connaît ne se vante point, ne s’enorgueillit point, mais avant toute chose il connaît ses propres faiblesses et ses fautes, il se compare constamment au prototype idéal, vers lequel il doit se diriger, étant conscient de la distance qu’il lui reste encore à parcourir.

L’HOMME

L'homme est un être composé, fait d'un corps terrestre et d'une âme céleste... L'âme est étroitement unie au corps, pourtant complètement indépendante de lui.

* * *

L'existence et la rationalité de l'âme sont témoignées par la conscience, la conscience de soi-même, la perspicacité, l’observation de soi, les idées, les aspirations spirituelles, l’amour du beau, du bon, du vrai, du salutaire, l'aversion du mal, la distinction du bon et du mal et chaque autre activité spirituelle.

* * *

L'homme est non seulement raison mais également cœur. Les puissances de ces deux centres, s'aidant mutuellement l'un l'autre, rendent l'homme parfait et lui enseignent ce qu'il ne pourrait jamais apprendre par la raison seule. Si la raison enseigne au sujet du monde naturel, le cœur nous enseigne au sujet du monde surnaturel... L'homme est parfait quand il a développé à la fois son cœur et son intellect ; le cœur est développé grâce à la religion révélée.

* * *

L’homme fut créé un être religieux et social ; ces deux ( … ) sont les caractéristiques essentielles de l'homme et des vertus innées en lui. Sa sociabilité s'avère absolument nécessaire pour sa conservation, son développement et son avancement, alors que sa religiosité est une conséquence de sa rationalité, de son libre arbitre et de sa maîtrise de soi.

* * *

Sans la religion, l’homme est un mystère incompréhensible. Son existence sur terre en tant qu’être raisonnable ayant un libre arbitre et un être autonome, est, sans religion, vide, parce que la raison sans principes moraux devient un moyen de corrompre l’image divine, un moyen de détruire le beau, le bon et le vrai. Sans religion, l'homme devient une puissance antagoniste, s'opposant à la volonté de Dieu et combattant les lois selon lesquelles l'univers est mené à un but préordonné.

L'IMMORTALITÉ DE L'ÂME

L'âme raisonnable de l'homme a des aspirations surnaturelles et infinies. Si l'âme raisonnable dépendait du corps et mourrait avec que le corps, elle devrait être nécessairement soumise au corps et le suivre dans tous ses appétits. L'indépendance aurait été contraire aux lois de la nature et à la raison, parce qu'elle dérange l'harmonie entre le corps et l'âme. En tant que dépendante du corps, elle devrait être soumise au corps et le suivre dans tous ses appétits et désirs, tandis que, au contraire, l'âme maîtrise le corps, impose sa volonté au corps. L'âme subjugue et limite les appétits et les passions du corps, et les dirige selon sa volonté. Ce phénomène vient à l'attention de chaque homme raisonnable ; et celui qui est conscient de sa propre âme raisonnable est conscient de la maîtrise de l'âme sur le corps.

La maîtrise de l'âme sur le corps est démontrée par l'obéissance du corps quand il est mené avec abnégation au sacrifice pour les idées abstraites de l'âme. La domination de l'âme pour la prédominance de ses principes, idées, et vues aurait été entièrement incompréhensible si l'âme mourrait avec que le corps. Mais une âme mortelle ne serait jamais élevée à une telle hauteur, ne se serait jamais condamnée elle-même à la mort avec le corps pour la prédominance d'idées abstraites qui manquent de signification, puisque aucune idée noble, aucune pensée noble et courageuse n'a de signification pour une âme mortelle. Une âme, donc, qui est capable de telles choses, doit être immortelle.

LA VIE APRÈS LA MORT

Les docteurs de l'Église orthodoxe, ayant les Écritures saintes pour fondement, enseignent que ceux qui meurent dans le Seigneur vont à un lieu de repos, selon le texte de l'Apocalypse : Heureux les morts qui meurent dans le Seigneur ; dès maintenant, oui, dit l'Esprit, qu'ils se reposent de leurs fatigues, car leurs œuvres les accompagnent (Ap 14, 13). Cet endroit de repos est vu comme le Paradis spirituel, où les âmes de ceux qui sont morts dans le Seigneur, les âmes des justes, jouissent des bénédictions du repos, tout en attendant le jour de la récompense et du prix du saint appel de Dieu en Jésus Christ.

Au sujet des pécheurs, ils enseignent que leurs âmes descendent en Hadès, là où est souffrance, douleur et gémissement, attendant le jour redoutable du Jugement.

Les Pères de l'Église orthodoxe n'admettent pas l'existence d'un autre endroit, intermédiaire entre le Paradis et l'Hadès, puisqu'un tel lieu n'est pas mentionné dans les Écritures saintes.

* * *

Le jugement partiel, auquel tous les hommes sont soumis après la mort, n’est nullement un jugement complet et final. C’est ainsi que tous attendent un autre jugement, qui lui sera complet et final. Au jugement partiel, seulement l'âme de l’homme reçoit sa rétribution, et non pas le corps, quoique le corps ait partagé avec l'âme ses actions, bonnes et mauvaises. Après le jugement partiel, les justes dans le ciel et les pécheurs dans l’Hadès ont seulement un avant-goût de la béatitude ou des punitions qu'elles méritent. Puis, après ce jugement partiel, certains pécheurs seront soulagés de la punition et libérés des souffrances de l’Hadès, non pas à cause de leurs propres actions, mais par la prière de l’Église.

* * *

Leur séparation de Dieu est la plus douloureuse des souffrances des pécheurs, parce qu’ils sont privés de participation dans le Royaume du ciel, de la béatitude des justes, et ils sont jetés dans un état d’obscurité. En outre, ils éprouvent le remords de leur conscience, qui, étant réveillée contre leurs péchés, les tourmente sans cesse, comme le ver qui ne meurt pas (Mc 9, 44). Et ils sont en compagnie des esprits mauvais. On doit affirmer que les souffrances des pécheurs dans l’Hadès ne sont certainement pas identiques pour tous, mais sont proportionnées aux péchés de chacun, comme il est indiqué dans Luc 12, 47-48 (Le serviteur qui, connaissant la volonté de son maître, n’aura rien tenu prêt et n’aurait pas agi selon cette volonté, recevra un grand nombre de coups. Quant à celui, qui, sans la connaître, aura par sa conduite mérité des coups, il n’en recevra qu’un petit nombre).

* * *

À la fin du jugement général, le Juste Juge déclarera la décision aux justes et aux pécheurs. Aux justes il dira : Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume qui vous a été préparé depuis la fondation du monde ; tandis qu'aux pécheurs il dira : Allez loin de moi, maudits, dans le feu éternel qui a été préparé pour le diable et ses anges (Mt 25, 34 et 41). Et ceux-ci partiront loin en l'Hadès éternel, alors que les justes iront à la Vie éternelle. Ce châtiment après le jugement général sera complet, final, et définitif. Il sera complet parce que ce n'est pas l'âme seule, comme au jugement partiel de l'homme après la mort, mais l'âme avec que le corps, qui recevra ce qui est mérité. Il sera final, parce qu'il sera durable et non provisoire comme au jugement partiel. Et il sera définitif, parce que pour le juste et pour les pécheurs il sera inaltérable et éternel.

LES SAINTS

Notre Église honore les saints non comme des dieux, mais en tant que serviteurs fidèles, en tant qu'hommes pieux et amis de Dieu. Elle loue les luttes dans lesquelles ils se sont engagés et les œuvres qu'ils ont accomplies pour la gloire de Dieu avec l'action de sa grâce, de telle manière que tout l'honneur que l’Église leur donne se rapporte à l'Être suprême, qui a vu leur vie sur terre avec satisfaction. L’Église les honore en les commémorant annuellement par des célébrations publiques et par la construction d'églises en l'honneur de leur nom.

* * *

Les saints hommes de Dieu, qui ont été magnifiés sur terre par le Seigneur, ont été honorés par l'Église sainte de Dieu depuis le tout début où elle a été fondée par le Christ Sauveur.

* * *

L’honneur rendu aux saints est dicté par un sentiment religieux élevé et par l’ardeur divine d’un cœur fidèle à Dieu et qui l’aime. C’est une manifestation de l’aspiration divine qui le remplit pour glorifier Dieu, qui lui, glorifie son Église militante. L'honneur rendu aux saints est une expression de l'amour des fidèles pour eux, considérant leurs vertus sublimes et leurs grandes luttes, par lesquelles ils ont reçu la couronne de gloire intarissable. L'honneur rendu aux saints est une confirmation de l'éros qui brûle dans notre âme pour monter à la hauteur de leurs vertus, qui demeurent comme exemples éternels pour nous. L'honneur rendu aux saints est un devoir moral à leur égard, pour les bienfaits qu’ils nous accordent. La négligence de rendre l’honneur et la vénération dus aux saints de Dieu est impiété, ingratitude et indifférence et indique un manque d'aspiration pour la perfection dans la vertu.

* * *

Selon la Tradition orthodoxe, l’idée même de l’Église contient le dogme de l’intercession des saints. Ce dogme, universel dans l’Église primitive, était tenu dès les origines comme vérité certaine et a toujours été maintenu au cours des siècles.

* * *

En invoquant l’intercession des saints, l’Église croit que les saints, qui sont intervenus avec le Seigneur pour la paix du monde et pour la stabilité des saintes Églises du Christ de leur vivant, ne cessent pas d’intercéder dans l’Église céleste et triomphante. Ils entendent les suppliques que nous leur adressons et ils prient le Seigneur, devenant des porteurs de la grâce et de la miséricorde du Seigneur.

LA REPENTANCE

Deux facteurs sont impliqués dans le salut de l'homme : la grâce de Dieu et la volonté de l'homme. Tous deux doivent fonctionner ensemble, pour que le salut soit atteint.

* * *

La grâce n'est pas salutaire sans le consentement de l'homme. On doit retourner au Seigneur son Dieu et se repentir de ses péchés. La grâce ne descend pas sur celui qui est asservi au péché, parce qu'il n'y a aucune communion entre la lumière et l'obscurité. Afin de sauver l’homme, la grâce doit le trouver pur, car il ne s’agit pas seulement d’une question de livrer l’homme de l’esclavage du diable, mais aussi de la réconciliation avec Dieu, de la communion avec lui, de la déification de l’homme. Pour cette raison, le baptême de repentance (métanoïa) est nécessaire, ainsi que la pureté de vie et la préparation morale. Le libre consentement de l’homme est nécessaire, son mouvement spontané vers Dieu, sa volonté de retourner à Dieu, son entrée dans le bain de la régénération, afin d’être lavé, sanctifié et sauvé.

* * *

La Pénitence est un Mystère par lequel celui que se repent de ses péchés les admet à un père spirituel nommé par l’Église, qui a reçu l'autorité pour pardonner les péchés. Il reçoit de ce père spirituel la remise de ses péchés et il est réconcilié avec Dieu, contre qui il a péché.

* * *

La repentance est un bain qui lave les péchés. C'est un retour d'un état contraire à la nature à un état selon la nature, du diable à Dieu, par l’aspiration spirituelle et les efforts ardus. C'est un retour volontaire de l’offense à ce qui est bon, et à ce qui est contraire à l’offense.

* * *

La repentance signifie regret, changement d'esprit. Les marques de distinction du repentir sont la contrition, les larmes, l’aversion envers le péché, et l’amour du bon.

LA VERTU

Nous devons faire tout ce que nous pouvons pour l'acquisition de la vertu et de la sagesse morale (phronesis), car le prix est beau et l'espoir grand.

* * *

La voie d'accès à la vertu est une voie d'effort et de labeur : Étroite est la porte et resserré le chemin qui mène la Vie, et il en est peu qui le trouve (Mt 7, 13-14) ; tandis que la porte du vice est large et la voie spacieuse, mais elles mènent à la perdition.

* * *

La vertu est la réalisation de la loi divine. Basile le Grand écrit : " La vertu est l'action d'éviter le mal et de faire le bien ". Celui qui participe à la vraie vertu participe à rien d’autre qu’à Dieu lui-même, parce que Dieu est entièrement vertu. Basile écrit : " De toutes nos possessions, la vertu est la seule qui ne peut pas être enlevée ; la vertu demeure avec nous et dans cette vie et après la mort ".

* * *

La foi, l’espoir et la charité sont les commandements essentiels que Jésus nous a enseignés. Elles sont les vertus fondamentales du christianisme, révélées au monde par Dieu. La foi est la source première de la vertu et de la force. L’espoir est consolation, soulagement, soutien de ceux qui peinent, les remontant de l’abîme du désespoir, et allégement de l’âme surchargée du poids des injustices du monde et des malheurs lourds et violents : Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau, et moi je vous soulagerai (Mt 11, 28). L’amour est le lien qui unifie la société et la fraternisation de toute l’humanité. C’est la fondation du bonheur des hommes ainsi que de toutes les vertus. C’est l’échelle qui élève l’homme à la perfection, le transformant en image et ressemblance à Dieu.

* * *

L’amour de Dieu est connaissance de Dieu, car celui qui aime, aime ce qu’il connaît, et il est impossible d’aimer ce qui est inconnu. L'amour de Dieu exprime le désir d'être uni à lui en tant que suprême bonté.

L’EXERCICE SPIRITUEL

Le perfectionnement spirituel (pneumatike gymnasia) est une ascèse pour la piété. Il est le plus valable, ayant la promesse de la vie, de la vie présente comme de la vie future (1 Tm 4, 8). Les efforts faits pour acquérir la piété apportent la joie spirituelle.

Theophylaktos indique : " Entraînez-vous pour la piété, c'est-à-dire, pour la foi pure et la vie juste. Le perfectionnement et les efforts continuels sont nécessaires ; car celui qui s’entraîne s’exerce jusqu'à ce qu'il transpire, même lorsqu'il n'y a aucune compétition. "

Le jeûne, les épreuves et l’ascèse en général constitue l’entraînement spirituel.

L’entraînement habitue chacun à être clément, tempéré, maître de sa colère, soumettant ses désirs, effectuant des actes de charité, montrant l'amour pour ses proches, pratiquant la vertu. Le perfectionnement est une ascèse vertueuse, rendant la façon de vivre admirable.

L'ascèse est pratique, méditation, perfectionnement, maîtrise de soi, amour du travail.

LE JEÛNE

Le jeûne est une ordonnance de l'Église, obligeant le chrétien à l'observer à des jours spécifiques. Concernant le jeûne, notre Sauveur enseigne : Quand tu jeûnes, parfume ta tête et lave ton visage, pour que ton jeûne soit connu, non des hommes, mais de ton Père qui est là, dans le secret ; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra (Mt 6, 17-18). De ce que le Sauveur enseigne nous apprenons que le jeûne est agréable à Dieu, et que celui qui jeûne pour élever son esprit et son cœur vers Dieu sera récompensé par Dieu, un très généreux donateur des dons divins, pour sa dévotion.

* * *

Dans le Nouveau Testament le jeûne est recommandé comme moyen de préparer l'esprit et le cœur pour le culte divin, pour la longue prière, pour s'élever du terrestre, et pour la spiritualisation.

* * *

Le but principal du jeûne est spirituel : afin de fournir une possibilité et une préparation pour les efforts spirituels de prière et de méditation sur le Divin, par l'abstinence complète de nourriture, ou la consommation d'une nourriture crue ou simple. Cependant, le jeûne n'est aucunement moins bénéfique pour la santé physique, puisque la maîtrise de soi et la simplicité de vie sont des conditions nécessaires de santé et de longévité.

L’ATTENTION INTÉRIEURE

L'attention est le premier enseignant de la vérité et par conséquent absolument nécessaire. L'attention éveille l'âme à l'étude d'elle-même et de ses désirs, pour apprendre leur vrai caractère et repousser ceux qui ne sont pas salutaires. L'attention est l'ange gardien de l'intellect, et le conseille toujours ainsi : sois attentif. L'attention réveille l'âme, l'éveille du sommeil... L'attention examine chaque pensée, chaque désir, chaque mémoire. Pensées, désirs et mémoires sont engendrés par diverses causes, et apparaissent souvent masqués et en habit splendide, afin de tromper l'intellect inattentif et entrer dans l'âme et la dominer. Seulement l'attention peut révéler leur forme cachée. Souvent leur dissimulation est si parfaite que le discernement de leur vraie nature est très difficile et exige la plus grande attention. On doit se rappeler les mots de salut du Seigneur : Veillez et priez pour ne pas entrer en tentation (Mt 26, 41). Celui qui est pleinement éveillé n'entre pas dans la tentation, parce qu'il est vigilant et attentif.

* * *

L'attention dirige les pensées. L'attention indique ce qui doit être fait. L'attention mène à la vertu ; l'attention protège le caractère ; l'attention est le seul guide sûr dans la vie ; l'attention mène à la béatitude ; alors que le manque d'attention mène au malheur. Observez-vous et vous n'échouerez pas dans la vie. Paul dit : Prenez bien garde à votre conduite ; qu’elle soit celle non d’insensés mais de sages, qui tirent bon parti de la période présente ; car nos temps sont mauvais (Ép 5, 15-16).

LA PRIÈRE

La vraie prière est sans distraction, prolongée, exécutée avec un cœur contrit et un intellect alerte. Le véhicule de la prière est toujours l'humilité et la prière est une manifestation de l'humilité. Pour être conscients de notre propre faiblesse, nous invoquons la puissance de Dieu.

La prière unit chacun à Dieu, étant une conversation divine et une communion spirituelle avec l'Être qui est le plus beau et le plus élevé.

La prière est l’oublie des choses terrestres, une montée vers le ciel. Par la prière nous fuyons vers Dieu.

La prière est vraiment une armure céleste et elle seule peut garder ceux qui se sont consacrés à Dieu. La prière est la médecine commune pour nous purifier des passions, pour chercher protection contre le péché et guérir nos défauts. La prière est un trésor inépuisable, un port calme, la base de la sérénité, la racine et la mère de myriades de bénédictions.

* * *

Chaque chrétien doit savoir que s'il n’élève pas son esprit et son cœur vers Dieu par le jeûne – le jeûne chrétien et non pas pharisaïque – et par la prière, il ne peut pas atteindre une conscience profonde de son état de pécheur, ni rechercher sincèrement la rémission de ses péchés. Il faut savoir que nous connaissons notre péché seulement dans la mesure où nous sommes illuminés d’en haut, que nous sommes illuminés d’en haut dans la mesure où notre esprit et notre cœur s’élèvent vers Dieu, et que nous nous élevons au fur et à mesure que l’âme s’allège par le jeûne et la prière. La prière et le jeûne sont des moyens de connaissance de soi, de discernement de notre véritable état moral, d'une appréciation précise de nos péchés, et d'une connaissance de leur caractère véritable. Sans le jeûne et la prière nous manquons de moyens d’acquérir cette connaissance et nous ne pouvons pas avoir une image exacte de nos péchés, ni une conscience parfaite d'eux, ni la contrition du cœur, ni, par conséquent, une confession véridique et fructueuse. Puisque le jeûne chrétien et la prière sont la seule voie de préparation pour une confession véridique, nous devons observer avec diligence ces décrets de l’Église, afin de ne pas échouer à notre but, mais de réussir dans l’atteinte du suprême bon vers lequel nous aspirons.

LA SAINTE COMMUNION

Le Mystère de la Divine Eucharistie qui a été transmis par le Seigneur est le plus élevé de tous les Mystères ; il est le plus merveilleux de tous les miracles que la puissance de Dieu a accomplis ; il est le plus élevé que la sagesse de Dieu a conçu ; il est le plus précieux de tous les dons que l'amour de Dieu a accordés aux hommes. Tous les autres miracles résultent de la transcendance de certaines lois de la nature, mais le Mystère de l'Eucharistie Divine dépasse toutes ces lois. Par conséquent, il peut être appeler avec justesse, et être vu comme étant, le Miracle des miracles et le Mystère des mystères.

* * *

Veux-tu participer aux bénédictions conférées par la divine communion ? Veux-tu ton salut ? Devient un vrai chrétien, aie la crainte de Dieu, la foi dans le Mystère de la divine communion et l’amour pour Dieu et pour ton prochain.

* * *

Ceux qui reçoivent la Sainte Communion dignement sont gratifiés non seulement du salut, mais également de beaucoup d'autres dons, par lesquels l’homme devient l’image et la ressemblance à Dieu. Par la Divine Communion nous sommes unis à Dieu et nous entrons en relation et en contact avec lui. Par une telle union nous recevons les dons de l'Esprit Saint : l’amour, la joie, la paix, la patience, la bonté, la foi, l’humilité, la maîtrise de soi, et beaucoup d'autres vertus. Les yeux de notre âme sont ouverts, l'esprit est illuminé et le cœur est purifié. La Divine Communion guérit le cœur et le corps malades de ceux qui l'approchent avec foi. Souvent la Communion préserve notre la vie, nous sauve du danger et a beaucoup d'autres effets merveilleux.

L'Église proclame à haute voix à ceux qui sont prêts à participer à la Sainte Communion des paroles divinement inspirées : " Avec crainte de Dieu, foi et amour, approchez ! ". Et en effet, qui est-il celui qui est exempt de crainte de Dieu, de foi et d'amour qui peut être considéré digne de communier ?

Ô comment heureux et béni doit être considéré celui qui reçoit les Mystères divins dignement ! Une telle personne sort de l’église entièrement renouvelée, parce que le feu de la Déité, pénétrant dans l’âme de l’homme par la Divine Communion, brûle ses péchés, la remplit de la grâce divine, renforce ses puissances, illumine son esprit, et fait du cœur un tabernacle uniquement du Saint Esprit.

 

Partager cet article
Repost0
8 décembre 2011 4 08 /12 /décembre /2011 16:21

SAINT NECTAIRE D’EGINE

Il est sans aucun doute parmi les saints les plus aimés et les plus vénérés de l'Église orthodoxe du XXe siècle. L'Évêque de la Pentapole, le Thaumaturge d'Égine, est très populaire, non seulement en Grèce, mais aussi parmi les orthodoxes d'Occident, où son culte s'est fortement répandu. Cela en raison surtout de ses nombreuses intercessions et de ses innombrables guérisons miraculeuses. Ayant beaucoup souffert avec patience par amour pour le Christ, la calomnie, le mépris et les vexations, il a appris à se montrer compatissant pour les souffrances de ceux qui se confient en lui. Sa catéchèse, toute emprunte de profonde simplicité, nous montre combien il est proche de nos préoccupations spirituelles et particulièrement de celles des plus petits et des plus humbles d'entre nous.

 

HYMNE A L'AMOUR DIVIN

L'Eros (nous employons le mot éros dans le sens des Pères. C’est l'amour opérant, dynamique, qui propulse l'âme sortie d'elle-même, vers Dieu) divin, c'est l'amour parfait pour Dieu, manifesté comme désir insatiable du divin. L'éros divin naît dans le cœur purifié où habite la grâce divine. L'éros pour Dieu est un don divin. Il est offert à l'âme innocente par la grâce divine qui la visite et se révèle à elle. L'éros divin ne se lève chez personne sans une révélation divine. L'âme, qui n'a pas reçu de révélation, n'est pas sous l'influence de la grâce et demeure insensible à l'amour divin. Les amants du divin ont été poussés vers l'amour divin par la grâce de Dieu, révélée à l'âme et qui agit dans le cœur purifié. C'est elle qui les a attirés vers Dieu. Celui qui s'est épris de Dieu a d'abord été aimé de Dieu. Ce n'est qu'ensuite qu'il a aimé le divin. L'amant du divin est devenu avant fils de l'amour, ensuite il a aimé le Père Céleste. Le cœur de celui qui aime le Seigneur ne sommeille jamais ; il veille à cause de l'intensité de son amour. Si l'homme dort par nécessité de sa nature, le cœur, lui, veille pour la louange de Dieu. L'âme blessée par l'éros divin ne cherche plus rien en dehors du Bien Suprême; elle se détourne de tout, éprouve pour tout de l'indifférence. L'âme, éprise de Dieu, se délecte des paroles de Dieu et passe son temps dans Ses tabernacles. Elle élève la voix pour raconter les merveilles de Dieu et quand elle conserve, elle parle de Sa gloire et de Sa majesté. Elle chante Dieu et Le loue sans cesse. Elle Le sert avec zèle. L'éros divin s'empare de toute cette âme, la change et se l'approprie. L'âme, amoureuse de Dieu, a connu le divin et cette connaissance a enflammé son divin éros. L'âme, amoureuse de Dieu, est bienheureuse, car elle a rencontré le Juge divin qui a comblé ses désirs. Tout désir, toute affection, tout élan étranger à l'amour divin, elle le rejette loin d'elle, comme méprisable et indigne d'elle. O combien l'amour du divin, porté par l'amour de Dieu, élève dans les airs l'âme amoureuse de Dieu ! Cet amour, telle une nuée légère, s'empare de l'âme et la transporte vers la source éternelle de l'amour, vers l'amour intarissable et la remplit de la lumière éternelle. L'âme, blessée par l'éros divin, se réjouit en tout temps. Elle est dans l'allégresse, elle tressaille de joie, elle danse, car elle se trouve reposer dans l'amour du Seigneur comme sur une eau tranquille. Rien de ce qui afflige en ce monde ne peut venir troubler sa quiétude et sa paix, rien de triste ne peut ôter sa joie et son allégresse. L'amour enlève dans les airs l'âme amante du divin. Etonnée, elle se voit séparée de ses sens corporels, de son corps lui-même. En se livrant totalement à Dieu, elle s'oublie elle-même. L'éros divin procure la familiarité avec Dieu ; la familiarité procure l'audace, l'audace le goût et le goût la faim. L'âme, touchée par l'éros divin, ne peut plus penser à autre chose, ni rien désirer. Elle soupire sans cesse et dit : « Seigneur, quand irai-je à Toi et quand verrai-je ta face ? Mon âme désire aller à Toi, ô Dieu, comme la biche soupire après les courants d'eau. » Tel est l'éros divin qui fait de l'âme une captive. O amour, véritable et constant ! O amour, ressemblance de l'image divine ! O amour, douce jouissance de mon âme ! O amour, divine plénitude de mon cœur ! O amour, méditation incessante de mon esprit! Tu possèdes toujours mon âme, tu l'entoures de prévenances et de chaleur. Tu la vivifies et tu l'élèves jusqu'à la divine affection. Tu remplis mon cœur et le fais brûler d'amour divin, tu ranimes mon désir du Juge Suprême. Par ta puissance vivifiante tu fortifies la force de mon âme ; tu la rends capable d'offrir à l'amour divin le culte qui lui revient. Tu t'empares de mon esprit et le délivres de ses liens terrestres. Tu le libères pour qu'il monte sans obstacle jusqu'à l'amour divin dans les cieux. Tu es le trésor le plus précieux des fidèles, le don le plus honorable des charismes divins. Tu es l'éclat déiforme de mon âme et de mon cœur. Tu es celui qui fait des fidèles des fils de Dieu. Tu es la parure des croyants et tu honores tes amis. Tu es le seul bien permanent, car tu es éternel. Tu es le vêtement de beauté des amis de Dieu, qui se présentent ainsi vêtus devant l'amour divin. Tu es les agréables délices, car tu es le fruit du Saint-Esprit. Tu introduis les fidèles sanctifiés dans le royaume des cieux Tu es le parfum suave des croyants. Par toi, les fidèles communient au paradis des délices. Par toi, la lumière du soleil spirituel se lève dans l'âme. Par toi, s'ouvrent les yeux spirituels des croyants. Par toi, les croyants participent à la gloire divine et à la vie éternelle. Par toi, naît en nous le désir des cieux. C'est toi qui rétablis le royaume de Dieu sur la terre. C'est toi qui répands la paix sur les hommes. C'est toi qui fais que la terre ressemble aux cieux. C'est toi qui unis les hommes aux anges. C'est toi qui fais monter nos chants harmonieux vers Dieu. C'est toi qui, en tout, es vainqueur. C'est toi qui es au-dessus de toute chose. C'est toi qui en vérité gouvernes l'univers. C'est toi qui diriges avec sagesse le monde. C'est toi qui portes et conserves le tout. TOI, tu ne chutes jamais ! O amour, plénitude de mon cœur ! O amour, image très douce de Jésus le très doux. O amour, emblème sacré des disciples du Seigneur. O amour, symbole de Jésus le doux. Blesse mon cœur par ton désir, Remplis-le de biens et de bonté, et d'allégresse. Fais de lui l'habitacle du très Saint Esprit. Brûle-le tout entier par la flamme divine, afin que ses passions misérables consumées, il soit sanctifié et entraîné à ta louange incessante. Remplis mon cœur de la douceur de ton amour, afin que je n'aime que Jésus le très doux, le Christ mon Seigneur et que je Lui chante l'hymne sans fin, de toute mon âme, de tout mon cœur, de toute ma force, de tout mon esprit. Amen !

Partager cet article
Repost0
8 décembre 2011 4 08 /12 /décembre /2011 12:01
DISSERTATION PRÉLIMINAIRE.

 

Pourquoi la première partie des Ecritures est appelée l'Ancien Testament ; le but de l'un et de l'autre Testament est unique. Division de l'Ancien Testament en Histoire, Préceptes et Prophéties. — Origine de la race juive. — Deux espèces de prophéties, la prophétie d'action et la prophétie par les paroles.

 

Le Nouveau Testament est ainsi appelé à cause de sa date et de la nature des événements qu'il raconte ; parce que tout a été renouvelé, et premièrement l'Homme pour qui toutes choses ont été faites. Que personne ne dise : le ciel est le même , la terre n'a point changé, ni l'homme qui en est le roi. Une loi nouvelle a été donnée, de nouveaux préceptes ont été donnés, en même temps qu'une grâce nouvelle dans le bain salutaire, un nouvel (522) homme, de nouvelles promesses ont paru. Il ne s'agit plus dans ces promesses de la terre ni des choses terrestres, mais du ciel et des choses célestes. Ces mystères sont nouveaux. Ce n'est plus le temps des offrandes matérielles, des brebis, du sang, de la graisse et de la fiente des victimes; nous avons un culte raisonnable et une adoration qui ne peut être séparée de la vertu, des commandements que les anciens ne connaissaient pas, un bois de vie qui nous conduit au ciel et qui nous élève au-dessus de nous-mêmes.

Le but des deux 'testaments est unique et n'est autre que le redressement de l'homme. Et qu'y a-t-il d'étonnant si tel est le but des Ecritures, puisque la création tout entière existe pour l'homme? Le vaste ciel a été fait pour lui, aussi bien que l'étendue des terres et que cette mer dont l'immensité excite notre admiration pour son Auteur et nous-mêmes à la connaissance de Dieu. Toutes ces choses ayant donc été faites pour l’homme , et le but de l'Ancienne et de la Nouvelle Ecriture étant le même, Moïse a jugé nécessaire de raconter les histoires anciennes, mais en s'écartant de la manière des profanes qui écrivent les faits simplement pour narrer, ne songeant qu'à rapporter des combats et des batailles et à tirer quelque gloire de leurs ouvrages. Il n'en est pas ainsi du législateur hébreu qui écrit la vie des hommes illustres dont les actions ont été admirables, afin qu'elle soit pour la postérité un enseignement de la vertu, et qui n'a pas seulement transmis le souvenir de ceux qui ont fait le bien, mais aussi de ceux qui ont péché, afin d'exhorter à imiter les uns et à éviter les traces des autres, plaçant de la sorte sous nos yeux un double encouragement à la vertu et à la vigilance.

N'allons pas croire que le rôle du législateur ne peut lui permettre de mêler le récit des événements passés et la rédaction des lois. La narration de la vie des hommes qui ont vécu saintement n'a pas moins de force que la loi elle-même. C'est pourquoi dans l'Ancien Testament se trouve une partie historique, l'Octateuque ou les huit premiers livres. La Genèse rapporte la création et la vie des hommes qui furent agréables à Dieu. L'Exode nous montre la sortie d'Egypte accompagnée de miracles, le séjour dans le désert et la loi donnée. Le Lévitique nous instruit sur les sacrifices et les cérémonies sacrées : la tribu de Lévi ayant obtenu le sacerdoce par le sort, c'est à cause de cette tribu que le livre a été ainsi appelé. Ensuite, le livre des Nombres après la sortie de l'Egypte Dieu ordonna de compter les Hébreux., et il se trouva six cent mille hommes sortis Abraham. Le Deutéronome suit les Nombres, Moïse ayant promulgué pour la seconde fois la loi. Le livre de Jésus, fils de Navé, vient après; ce fut Jésus qui fut le conducteur du peuple après Moïse, qui l'introduisit dans la terre de promission et qui partagea la contrée entre les douze tribus en recourant au sort. Ensuite, les Juges; le fils de Navé étant mort, le gouvernement passa aux mains de l'aristocratie et le pouvoir appartenait aux tribus. Ensuite, Ruth, livre court, qui renferme l'histoire d'une femme étrangère mariée à l'un des descendants d'Abraham. Ensuite, les quatre livres des Rois contenant tout ce qui est arrivé à Saül, David, Salomon, Elie et Elisée, et enfin jusqu'à la captivité de Babylone. Après les Lois, Esdras. Lorsque les Juifs eurent été emmenés à Babylone à cause de leurs péchés et qu'ils eurent passé soixante-dix années dans la servitude, Dieu eut pitié d'eux, et il disposa Cyrus, alors roi des Perses, le même dont Xénophon a raconté l'éducation, à renvoyer les captifs. Une fois mis en liberté, ils revinrent sous la conduite d'Esdras, de Néhémie et de Zorobabel. Esdras a écrit le récit de tout ce qui concerne ce retour, la réédification du temple et le rétablissement de la ville. Cent années se passèrent, et la cité fut envahie de nouveau par les Macédoniens. Antiochus Epiphane survint; ils souffrirent pendant trois ans et demi les maux de l'invasion et furent encore délivrés de ces calamités. Enfin, un temps peu considérable s'étant écoulé, le Christ vint et le Vieux Testament fut terminé.

Pour faire connaître l'origine de la race juive, il est indispensable d'entrer dans quelques détails que voici. Après Adam, vécut Seth, son fils, ensuite Enoch; puis un grand nombre d'autres formant plusieurs générations. Et après cela, vécut Noé, sous lequel , les hommes étant corrompus par l'iniquité, arriva le déluge. Après le déluge, Noé sortit de l'arche, seul avec ses trois enfants, et il remplit la terre de sa race, plusieurs générations s'étant succédé. Lorsqu'ils furent devenus nombreux, les hommes résolurent d'élever une tour qui monterait jusqu'au ciel ; mais Dieu connut leurs pensées, il confondit leur langage, et au. lieu d'une seule langue, il y en eut plusieurs. Il devint nécessaire, dès qu'ils ne s'entendirent plus les uns les autres , de ne plus habiter ensemble, et ce fut pour cette cause qu'ils se dispersèrent par toute la terre. On assure que, dans cette confusion des id tomes, Réber, (ancêtre des Juifs, qui n'avait point voulu prendre part à l'entreprise coupable des autres, fut le seul qui conserva sa propre langue, à litre de récompense de ses bonnes dispositions. L'un de ses descendants fut Abraham, qui donna le jour à Isaac, et de celui-ci naquit Jacob, qui lui-même engendra les douze patriarches : Ruben, Siméon, Lévi, Juda, Issachar, Zabulon, Nephtali, Gad, Dan, Aser, Joseph et Benjamin. Onze de ces patriarches donnèrent leur nom à art nombre pareil de tribus, car chacun engendra une tribu, et leurs descendants prenaient le nom de chacun d'eux. Cependant, Joseph ne fut point le père d'une seule, mais de deux tribus, car Jacob ne voulut point que Joseph donnât son nom à une tribu seulement. Qu'arriva-t-il donc? Ce fut que Joseph devint doublement patriarche, parce que les noms de ses deux fils, Ephraïm et Manassé, furent ceux de deux tribus qui reconnaissaient Joseph pour ancêtre. D'où il résulte qu'au lieu de onze tribus, il y en eut treize, onze issues des autres fils de Jacob, et deux des fils de Joseph. La tribu de Lévi fut mise à part et chargée du sacerdoce; il ne fut pas nécessaire de lui rien assigner en partage, et le nombre de douze ne fut pas changé. Les douze tribus vaquaient à toutes les affaires; la seule tribu de Lévi s'occupait des seules choses saintes dont elle avait la charge. Moïse appartenait à cette dernière tribu. Les douze patriarches étant donc allés en Egypte, la promesse faite à Abraham : « Je multiplierai tes descendants comme les étoiles du ciel, ». s'accomplit et ils furent les pères des six cent mille hommes qui formèrent le peuple des Juifs, ainsi nommés à cause de la tribu royale de Juda qui fournit les souverains de la nation.

Ainsi, l'Ancien Testament renferme une partie historique, celle dont nous avons déjà parlé, et une partie contenant des préceptes les Proverbes, la Sagesse de Sirach, l'Ecclésiaste, le Cantique des Cantiques, de même qu'une partie prophétique, je veux dire les livres des seize prophètes, de Ruth et de David. Cette division des matières contenues dans les saintes Ecritures n'empêche pas que l'une ne soit mêlée à l'autre : dans les livres historiques, on rencontrera la prophétie, par exemple, et les prophètes écrivant souvent des récits qui appartiennent à l'histoire; et d'autre part, dans la prophétie et dans l'histoire , nous voyons aussi des préceptes et des exhortations. Toutes ces choses, comme je l'ai dit, ont un but unique, le redressement et l'amélioration de ceux qui entendent les Ecritures, de telle sorte que tantôt la narration, tantôt les préceptes et les conseils, tantôt les prophéties, nous enseignent ce que nous devons faire.

Le propre de la prophétie est d'annoncer les événements à venir, soit heureux, soit funestes, afin de ramener les uns dans la bonne voie, et d'écarter les autres par la crainte du sentierde l'iniquité. Il y a aussi une autre classe de prophéties, savoir celles qui ont pour objet le Christ, et qui décrivent minutieusement son avènement dans le monde, ce qu'il devait faire à partir de sa venue, la conception, la naissance , l'élévation en croix , les miracles, le choix des disciples, le Testament Nouveau, la fin de la nationalité juive, la ruine du paganisme, le triomphe de l'Église, et toute la série des événements qui devaient s'accomplir. Tout avait été prédit avec clarté par les prophètes, longtemps d'avance, soit d'une manière figurative, soit par des paroles expresses.

Car, il y a deux sortes de prophéties, l'une qui annonce l'avenir par des paroles, l'autre par des actions. Le Prophète emploie les paroles., lorsque, voulant signifier le supplice de la croix, il dit: « Il a été conduit comme la brebis qui va être immolée; il ressemble à l'agneau qui demeure sans voix devant celui qui le tond. » (Isaïe, LIII, 7.) Telle est la prophétie par le moyen du langage. Mais nous voyons la prophétie par action lorsqu'Abraham nous est montré offrant son fils, et immolant le bélier. Ce sont alors ces événements qui nous font voir par avance l'image de la croix et de l'immolation pour le salut du monde. L'Ancien Testament renferme un grand nombre de ces types et de ces prophéties par actions.

La prophétie n'a pas seulement pour objet d'annoncer l'avenir, mais aussi de faire connaître le passé, et c'est ce qui est vrai surtout dans les récits de Moïse. Quand il parle du ciel et de la terre, il raconte des choses passées et (524) ensevelies dans l'obscurité des temps ; il les énonce à l'aide de la prophétie. S'il appartient à la prophétie de dévoiler les choses qui ne sont pas encore arrivées ou qui demeurent encore cachées, il ne faut pas une moindre grâce pour manifester ce qui est accompli, mais caché par le temps.

La prophétie découvre aussi le présent lorsqu'un fait se passe; mais n'est pas connu ; nous en voyons un exemple dans l'histoire d'Ananie et de Saphire. Là, ce n'est point le passé qui est révélé, ce n'est point l'avenir, mais un fait actuel, inconnu toutefois. Pierre découvre l'événement par la prophétie et le manifeste devant tout le monde.

Ce sont là les divers genres de prophéties que renferme l'Ancien Testament. Mais ce qui avait été dit par énigme dans l'Ancien se trouve expliqué dans le Nouveau; la prophétie est vérifiée par le témoignage des faits, je veux dire par l'établissement de cette vie nouvelle qui est celle du ciel, par la révélation de ces biens futurs qui sont ineffables, « que l'oeil de l'homme n'a point vus, que l'oreille n'a point entendus, que le coeur de l'homme n'a point goûtés. » (I Cor. II 9.) Le Nouveau Testament a reçu l'homme sortant du joug de l'Ancien, et il l'a conduit doucement et avec mesure de la voie d'iniquité à la participation de la vie des anges. L'oeuvre de l'Ancien Testament était de former l'homme, le Nouveau fait de l'homme un ange. Le péché avait fait perdre à la créature raisonnable la dignité d'homme, l'avait réduit au rang des animaux et rendu semblable aux bêtes sauvages; la loi a chassé l'iniquité et la grâce a surajouté cette vertu angélique.

Les livres du Nouveau Testament sont: les quatorze Epîtres de Paul, les quatre Evangiles, deux qui furent écrits par des disciples de Jésus-Christ, Jean et Matthieu, et les deux autres par Luc et par Marc, celui-ci disciple de Pierre et celui-là de Paul. Les premiers avaient vu le Christ de leurs propres yeux et ils avaient vécu avec lui ; les derniers ont transmis ce qu'ils avaient eux-mêmes appris. A quoi il faut joindre le livre des Actes, qui est aussi de Luc, et les trois Epîtres Catholiques.

 

Partager cet article
Repost0
8 décembre 2011 4 08 /12 /décembre /2011 11:57
Partager cet article
Repost0
8 décembre 2011 4 08 /12 /décembre /2011 11:22
PREMIER LIVRE DES PARALIPOMÈNES.

 

Les Paralipomènes sont ainsi appelés parce que beaucoup de choses laissées de côté dans les quatre livres des Rois sont contenues dans ces livres. Dans ce premier livre est décrite la généalogie de toutes les tribus, depuis Adam jusqu'aux rois, par tribus, par familles, par maisons. II est dit quels furent ceux des lévites que David établit pour chanter devant Dieu avec la flûte et la cithare, quels autres il consacra aux oeuvres du temple, car il fut le premier qui commença à jeter les fondements du temple. Divers détails sur les rois et leurs générations sont donnés, d'où il résulte que le total des années des rois qui régnèrent à Jérusalem depuis David est de quatre cent soixante-quatorze. Tous ces rois furent de la race de David , et il y en eut neuf qui firent le bien; ceux qui firent le mal sont au nombre de douze, Gotholia ! non comprise. Toutes les années de ceux qui régnèrent à Samarie s'élevèrent au nombre de deux cent soixante-neuf et trente jours; douze rois fuirent donnés par huit races différentes : tous firent le mal, en imitant le péché de Jéroboam.

 

1 Athalie.

 

DEUXIÈME LIVRE DES PARALIPOMÈNES.

 

Dans le deuxième livre des Paralipomènes sont consignées les actions des rois. Ceux qui les ont écrites sont les prophètes qui ont vécu clans les différents temps des rois. Si l'on veut savoir en particulier quels sont ceux qui ont écrit ces choses, il faut remarquer que ce livre renferme les actions des rois d'Israël et de Juda qui ont été omises-. dans les livres des Rois. Or ceux qui écrivirent en entier l'histoire des divers règnes sont les suivants : Samuel et les prophètes Nathan et Gad ont écrit le règne de David; les prophètes Nathan et Allias celui de Salomon; les prophètes Semeas et Addon celui de Jéroboam; le prophète Addon celui d'Abias. Les actions d'Asa sont dans le livre consacré aux rois de Juda; le prophète

Jéhu, fils d'Adam, qui écrivit le livre des rois d'Israël, a écrit le règne de Josaphat. Ce que fit Joas est raconté dans les livres des Rois. Ce que fit Amasias est dit dans le livre des rois de Juda et d'Israël. Le prophète Isaïe a écrit le règne d'Ozias. Les actions de Joathan sont dans le livre des rois de Juda et d'Israël, celles d'Achaz dans le livre des rois de Juda et d'Israël. Le prophète Isaïe, fils d'Amos, a rapporté le règne d'Ezéchias. Ce qui concerne Manassès est dans le livre des Voyants, ce qui est relatif à Josias dans le livre des rois de Juda et d'Israël. Ce que fit Joachim est écrit dans le livre des rois de Juda et d'Israël. Telles sont les matières contenues dans les Paralipomènes, et tel en est l'ordre.

 

Partager cet article
Repost0
8 décembre 2011 4 08 /12 /décembre /2011 11:21
LIVRE DE TOBIE.

 

Ce livre porte le nom de Tobie parce qu'il contient l'histoire de ce personnage. Tobie était de la tribu de Nephtali; il fut emmené en captivité et vécut à Ninive , craignant Dieu et exerçant la miséricorde. Tandis qu'il était captif, il ne mangea point le pain des nations, mais il se conserva pur au milieu d'elles. Il fut préfet des vivres de Salmanasar (1), et il déposa dix talents chez Cabélus, dans la Médie. Pour lui, il avait soin d'ensevelir ceux qui mouraient d'entre les Juifs. Calomnié auprès du roi Sennachérib (2), il s'enfuit. De retour, il ensevelit encore un mort et il s'endormit au pied du mur, et, comme il avait coutume, il dormit les yeux ouverts. Or, des oiseaux ayant laissé tomber d'en-haut leur fiente sur ses yeux, il se forma une taie blanche, et il ne voyait plus.

Il y avait à Ecbatane une fille de Raguel, son parent, qui s'appelait Sara. Le démon Asmodée ne permettait à aucun de l'avoir pour épouse, car il avait tué sept hommes qui l'avaient épousée. La jeune fille, fort contristée, pria

 

1 Dans le grec : Tnemssar.

2 Dans le grec : Achirel.

 

Dieu, qui lui envoya en aide l'archange Raphaël. Cependant Tobie ayant exhorté son fils à ne jamais prendre une femme étrangère, mais de sa tribu et de sa race, lui remit l'obligation de dix talents et lui ordonna de s'en aller et de les demander. Le jeune homme ne connaissant ni la route ni l'homme sortit pour chercher un compagnon de voyage. La Providence divine lui fit trouver Raphaël, qui se tenait au dehors avec l'apparence d'un homme, et il fit convention du prix avec lui après que Raphaël eût dit qu'il connaissait la route. L'archange fit donc route avec lui, paraissant être un homme et prenant le nom d'Azarias.

Lorsqu'ils arrivèrent au fleuve du 'tigre, le jeune homme voulut y descendre pour se baigner et aussitôt un énorme poisson s'élança sur lui. L'ange lui dit de le saisir, de le couper en morceaux, de mettre à part le foie, le cœur et le fiel pour les conserver. Le jeune homme ayant demandé quelle en était l'utilité, il répondit : Le foie et le coeur mis sur le feu chassent le démon, la bile fait disparaître la taie blanche des yeux. Par le conseil et avec le secours de l'ange, le jeune Tobie prit pour femme (557) Sara, fille de Raguel, le démon étant mis en fuite par la fumée, et l'ange l'ayant enchaîné dans les régions de la haute Egypte.

Tobie demeurant avec sa femme envoya Azarias, toujours regardé comme un homme, dans la Médie, et celui-ci, ayant reçu les dix talents, revint avec sa femme et avec l'ange lui-même vers son père. A son retour, le jeune Tobie oignit avec la bile du poisson les yeux de son père; les écailles tombèrent et il vit aussitôt. Tobie avait cinquante-huit ans lorsqu'il perdit la vue; il en avait soixante-six lorsqu'il la recouvra. Lorsque Tobie vit la lumière, l'ange se manifesta et fit connaître qu'il n'était point un homme, mais qu'il avait été envoyé de Dieu à leur secours et au secours de Sara. Devenu vieux, Tobie ordonna à son fils d'aller en Médie, à cause de la ruine de Ninive, qui devait arriver selon la parole du prophète Jonas, et il mourut à l'âge de cent cinquante-cinq ans. Le jeune Tobie alla donc dans la Médie où il ensevelit les parents de sa femme et où il apprit la catastrophe de Ninive. Il mourut lui-même à l'âge de cent sept ans. Ainsi finit le livre de Tobie.

 

 

Partager cet article
Repost0
8 décembre 2011 4 08 /12 /décembre /2011 11:19
RÉSUMÉ DU LIVRE DE SIRAC.

 

De la crainte du Seigneur; qu'il ne faut pas s'irriter; qu'il ne faut pas s'approcher de Dieu avec hypocrisie. De la tentation et de la patience. De l'honneur dû aux parents; de l'équité. Qu'il ne faut pas chercher quelque chose de plus relevé que les commandements. De l'aumône et de la protection des orphelins. De la sagesse ; de la honte nuisible et utile : il [l'auteur de ce livre] s'étend en cet endroit sur la crainte nuisible. Qu'il ne faut pas s'abandonner au désir des richesses, ni penser que l'on pèche impunément lorsque l'on ne reçoit pas aussitôt le châtiment, car Dieu est patient et il est besoin de le fléchir. Des paroles vaines, de l'orgueil , de l'épreuve des amis, de la discipline, de l'audition des choses utiles. Qu'il ne faut point pécher, ni mentir, ni prononcer des paroles vaines; qu'il ne faut pas renouveler ses voeux, c'est-à-dire différer ce que l'on a promis à Dieu. De la femme , des serviteurs, des troupeaux, des enfants, du père, de la piété envers Dieu, de l'honneur rendu aux prêtres , de la visite des affligés. Qu'il ne faut point disputer, injurier; qu'il ne faut point mépriser les discours et la sagesse des anciens. De la tempérance, de l'amitié; que l'on ne doit point imiter les pécheurs. Du juge intelligent et de l'insensé, de l'orgueil, de l'équité, que l'on ne doit point blâmer sans jugement et sans examen. Il faut se garder des méchants. De la recherche des hommes riches auxquels s'attache le grand nombre ; de l'avarice de plusieurs d'entre eux. Des avares auxquels on donne le nom du ver qui ronge le bois, qui ne donnent jamais rien au prochain. De la possession de la sagesse; du libre arbitre. Qu'il vaut mieux n'avoir point d'enfants que d'en avoir qui soient méchants. Que rien n'est caché pour Dieu. Des créatures, de la formation de l'homme, de l'honneur dont il a été revêtu. De la loi donnée, de l'aumône, de la pénitence, qu'il ne faut point mener une vie déréglée. Qu'il faut garder le secret; de la honte nuisible de l'insensé. Qu'il faut se convertir de ses péchés ; qu'il faut fuir l'avarice ; du sage et de l'insensé ; de la fille sans retenue; de la folie de l'insensé; de la fermeté de l'esprit; qu'il ne faut point parler sans précaution. Que l'on doit se repentir de ses fautes ; qu'il ne faut point proférer de serments; de la sagesse. De la bonne et de la mauvaise femme; des marchands; de ceux qui révèlent les secrets. De ceux qui louent en face et qui raillent ensuite. Que l'on doit pardonner au prochain ses manquements à notre égard. De la langue trompeuse ; qu'il faut prêter au prochain sans usure, mais tendre la main à l'indigent. Qu'il faut élever avec soin ses enfants; des serviteurs; des animaux sans raison; des songes. De ceux qui craignent Dieu; du sacrifice du juste, du (670) sacrifice de l'injuste. De l'amour de l'argent; de l'avidité de manger; de l'ivresse. Que la constitution de la nature humaine est la même pour tous, mais que la volonté est différente et qu'elle est la cause pour laquelle les uns sont bénis et les autres maudits. De la médecine; qu'il ne faut point se laisser vaincre par une tristesse excessive. Que l'on doit être retenu par les lois et par les commandements de Dieu. Des oeuvres de Dieu; des châtiments; de la nature humaine; elle est remplie de meurtres et de soucis amers. Des oeuvres de Dieu.

 

Partager cet article
Repost0
8 décembre 2011 4 08 /12 /décembre /2011 11:06
LA SAGESSE DE SALOMON.

 

Ce livre est appelé la Sagesse de Salomon, parce que Salomon, dit-on , écrivit aussi ce livre. Il contient l'enseignement de la justice et apprend à discerner les hommes méchants de ceux que le zèle du bien anime; il prophétise touchant le Christ. Il apprend qu'il est besoin d'un long travail et d'un vif désir pour obtenir la sagesse. Il décrit certaines parties de la nature; il s'élève contre les idoles, contre ceux qui les font, contre ceux qui mettent en elles leur espérance et qui les adorent. Hymne et actions de grâces pour toutes les choses admirables survenues aux Israélites en présence de leurs ennemis et qui furent l'aeuvre de Dieu. Tel est le contenu de tout ce livre; mais la récapitulation selon l'ordre des chapitres est celle-ci

Au commencement, exhortation du juste à la piété et blâme infligé à l'impie blasphémateur. « N'imitez pas les antéchrists, car ils sont fils de la mort.» Ainsi, les impies en sont venus au point de crucifier le Dieu de gloire, en mettant au-dessus de lui le siècle présent. Ils ont poursuivi de même et mis à mort les Apôtres. Il arrivera que plusieurs mépriseront la loi de Dieu et que d'autres la pratiqueront.

Dieu n'épargnera pas la multitude de ceux qui sont impies envers le Christ. Mais Dieu . veille sur un seul juste qui a mis sa confiance dans le Christ, même lorsqu'il meurt jeune

« Ce n'est pas le long espace du temps qui fait une vieillesse vénérable. » (IV, 8.) L'impie méprise la mort de celui qui croit dans le Christ, mais celui-ci est discerné par le Christ lui-même. Les impies seront livrés à une ruine ignominieuse et ceux-là sont réservés à un jugement sévère et à la condamnation, qui auront persécuté les serviteurs du Christ, car ils verront la gloire du Christ et de ses disciples, tandis qu'eux-mêmes seront livrés au supplice.

La richesse amène à sa suite l'orgueil. Quelle est la colère de Dieu contre ceux qui se (564) sont montrés impies envers le Christ. Exhortation aux princes d'Israël pour qu'ils croient au Christ, ou plutôt exhortation aux chefs de l'Eglise catholique sur la manière de gouverner après qu'il aura quitté le monde. Quelle est la Sagesse, c'est-à-dire le Fils de Dieu. Comment le Verbe s'est fait chair et a habité parmi nous. Car, dit-il, j'ai souffert les mêmes choses que vous, étant homme et soumis à la loi par l'ordre de Dieu. Concernant le Christ : c'est par la sagesse de Dieu que j'ai la connaissance de toutes choses; « nous sommes entre ses mains, nous et nos discours. » (VIII, 16.) Quelle est la sagesse et comment elle est venue parmi les hommes; « elle est unique et elle peut tout, elle demeure en elle-même et elle renouvelle toutes choses. » (Ibid. XXVII. )

J'ai aimé la sagesse dès ma jeunesse, dit-il, et j'ai reçu d'elle tous les biens de la chair et de l'esprit. Ayant connu la grandeur de la sagesse, j'ai prié le Seigneur de me donner son Esprit-Saint qui me la ferait connaître. Et il m'a été envoyé de sorte qu'il m'est venu en aide dans mes oeuvres. Car, « les pensées des mortels sont sans force. » (IX, 14.)

Quelles sont les oeuvres de la sagesse. Comment elle a gardé le premier homme; de quels maux Dieu délivre ceux qui croient en lui et quels grands biens il leur accorde, ainsi qu'il arriva à Noé, Abraham , Lot, Jacob, Joseph, aux Israélites qu'il délivra des mains des Egyptiens par la main de Moïse et qu'il rassasia de l'eau sortie du rocher. Comment il envoya les guêpes à sept nations et ensuite, usant de longanimité, il leur donna le temps du repentir, enseignant par là à son peuple à se montrer miséricordieux. Contre les adorateurs des éléments, des grenouilles, des moucherons, des rats, des sauterelles, des guêpes, des serpents. Contre les adorateurs des idoles d'or ou d'argent, de bois ou de pierre. Que par le bois le salut sera accordé à ceux qui croient. De ceux qui fabriquent les idoles ou qui en font la représentation. De tous les maux qui résultent de l'idolâtrie. Des mauvaises religions et combien de maux en découlent. De la céramique et des idoles de terre cuite. De toutes les idoles qu'adorent les nations, les animaux ennemis de l'homme, les serpents, les chats et autres semblables. Que Dieu accorda un bienfait au peuple d'Israël, envoyant des cailles au lieu des grenouilles. Que contre la morsure des serpents le salut fut donné au peuple par le serpent d'airain suspendu à la croix; mais les ennemis d'Israël furent mis à mort par les serpents et parles rats. Que Dieu nourrit son peuple de la nourriture des anges, accommodée au goût de chacun et renfermant toutes les saveurs. Qu'il envoya la grêle et le tonnerre pour détruire les richesses des Egyptiens. Qu'il envoya aux Egyptiens les ténèbres palpables et les maux qui les accompagnaient, mais qu'il envoya à ses saints la lumière en Egypte et la comme de feu dans le désert. En punition de la mort des enfants hébreux, il envoya la mort aux premiers-nés des Egyptiens et il engloutit l'armée dans les ondes, et tandis que les premiers-nés étaient frappés de mort, le salut était accordé à Israël par le sang de l'agneau. Pour les justes menacés de mort dans le désert, Aaron fléchit le Seigneur en priant et offrant de l'encens; pour la mort des Egyptiens submergés dans la mer Rouge, la colère de Dieu fut sans miséricorde, et le passage du peuple s'accomplit d'une manière admirable: Que les Egyptiens soutinrent ces maux à cause de leur inhumanité envers des étrangers, de même que les habitants de Sodome. Que tous les éléments sont soumis à la volonté divine du Christ, prêts à obéir à son commandement, comme les cordes de la cithare obéissent aux doigts de celui qui tient l'instrument. Dans ces choses est toute la substance du livre de la Sagesse de Salomon, qui mérite le nom de Panarétique.

 

Partager cet article
Repost0